Donc
nous savons que María était gravement handicapée et qu'elle
possédait du talent.
Son
vrai nom est María Gutierrez Cueto y Blanchard, née à Santander,
Blanchard était le nom de sa mère, française de Biarritz, et une
fois installée à Paris María décida de ne garder que celui-là.
Une
chance : elle est née dans une famille aisée, « cultivée
et raffinée » et son père l'encourage dès l'enfance à
dessiner et peindre. Sensible, douée, elle progresse rapidement et
est envoyée à Madrid dans un école d'Art. Elle y peint ses
premiers tableaux : bien, pas mirobolants.
Tête de gitane vers 1910 |
Autre
chance : une bourse en 1909 pour étudier à Paris.
Encouragée par Anglada Camarasa et Kees van Dongen, elle libère son
expression, les couleurs.
Ici
je saute quelques années et nous la retrouvons, définitivement
installée à Paris, en 1916, elle a 25 ans et peint ses premiers
tableaux cubistes.
L'amitié
c'est celle de la peintre russe Angelina Beloff et de son amoureux,
le jeune peintre mexicain Diego Rivera, mais aussi de Jacques
Lipchitz, et surtout d'André Lhote et de Juan Gris qui l'entourent,
la protègent, l'admirent.
À
propos de Juan Gris, j'ai lu que dans les années '40 le grand
marchand d'art Kahnweiler
dénonça
qu'on avait éliminé de certains tableaux* la signature de María
pour la remplacer par celle de Juan Gris, histoire de leur donner
plus de valeur ! Ha ! Il ne fait pas bon d'être femme et,
comme le lui disait Picasso : « Pauvre María, tu
crois qu'une carrière se fait uniquement à base de talent ! »
*dont
le tableau : « Nature morte rouge avec lampe »
(Naturaleza muerta roja con lámpara) dont je n'ai pas trouvé de
reproduction....si vous la trouviez!
Le voilà, merci Tania!
Le voilà, merci Tania!
Composition cubiste |
Elle voyage entre Paris, Londres
et Bruxelles où elle expose souvent, travaille énormément. Elle
développe l'esthétique cubiste et donne à la figure humaine une
place inhabituelle dans le cubisme ; elle ne souhaitait pas
s'éloigner de la peinture de la vie.
Le déjeuner 1919 |
L'homme à la guitare 1919 |
Vers 1920 elle revient à la
peinture figurative et, à part un tableau, « Le buveur »,
je n'ai trouvé que des tableaux de femmes et d'enfants, de
maternités.
Madre e hijo 1926 |
La golosa (gourmande) 1924 |
El niño del helado 1924 |
La niña del brazalete 1922 |
La mort de Juan Gris en 1927 la
plonge dans une profonde dépression. S'ajoutent de gros problèmes
économiques - sa famille, sœurs et neveux sont venus la
rejoindre à Paris , charges qui lui pèsent.
María cherche comme on dit
« consolation dans la religion » et en 1930 Paul Claudel
lui rend visite dans son atelier. Elle lui montre un tableau qui lui
tient à cœur : San Tarcisius, le patron des enfants de choeur.
Visiblement cela a plu à notre Claudel qui, en 1931 lui dédie un
poème du même nom.
San Tarcisius |
Partout il était mentionné,
pas moyen de le trouver, jusqu'à ce que je fasse appel à Tania qui
me l'a déniché, merci ! Rires car sans María au grand jamais
nous n'aurions lu ce long poème religieux.
En voici un court extrait :
« Comme la myrrhe avec
son parfum, comme le lys avec son odeur,
Ainsi Tarcisius au milieu des méchants ne fait plus qu’un avec Notre-Seigneur.
Comme le lys avec son odeur, il ne fait plus qu’un avec l’hostie.
Comment lui prendrait-on son Jésus alors qu’il ne fait plus qu’une seule chose avec Lui ?
– Quel est ce bruit que tu entends, Tarcisius ? un tintement comme d’une petite sonnette…
Et non point une seulement, une autre, et encore d’autres à la fois, dix ou douze, et cent mille de tous côtés, un million de petites voix, des millions de petites vierges d’argent, claires et nettes !
C’est un enfant qui fait ce petit bruit tout seul au-dessus de la Terre prosternée. »
Ainsi Tarcisius au milieu des méchants ne fait plus qu’un avec Notre-Seigneur.
Comme le lys avec son odeur, il ne fait plus qu’un avec l’hostie.
Comment lui prendrait-on son Jésus alors qu’il ne fait plus qu’une seule chose avec Lui ?
– Quel est ce bruit que tu entends, Tarcisius ? un tintement comme d’une petite sonnette…
Et non point une seulement, une autre, et encore d’autres à la fois, dix ou douze, et cent mille de tous côtés, un million de petites voix, des millions de petites vierges d’argent, claires et nettes !
C’est un enfant qui fait ce petit bruit tout seul au-dessus de la Terre prosternée. »
María tombe gravement malade,
la tuberculose la mine.
La convaleciente |
« Si je vis, je peindrai
des fleurs » disait-elle...
Fin.
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Superbe hommage à cette peintre de la vie, que je ne connaissais pas ... C'est beau de cheminer avec toi dans ces toiles et son parcoeur ...Merci Colo, une belle artiste...
RépondreSupprimerBonjour Veronica, c'est par hasard que je l'ai découverte, il n'y a pas longtemps. Étonnée de ne trouver son nom dans aucune liste cubiste ni autre....voilà!
SupprimerExcellent weekend, un beso.
Tu as bien fait, je reviens la voir au petit matin, bisous en cubes :)
SupprimerCette œuvre n'a rien à envier aux plus connus. Les portraits d'enfants sont saisissants, il s'en dégage une étrangeté due sans doute à leur regard adulte. El niño del helado me frappe particulièrement.
RépondreSupprimerDe très bonnes illustrations pour illustrer ces deux beaux billets.
En effet! C'est à se demander si la qualité artistique est le facteur principal, même le temps passant, dans la diffusion des œuvres d'art...ce qui est assez préoccupant.
SupprimerPour les enfants, je m'étais fait la même réflexion pour "La communiante" (billet précédent).
Merci d'avoir apprécié, bon weekend Christian.
Je crois que la qualité artistique n'est pas du tout un critère de reconnaissance.
SupprimerLa preuve: Paris Hilton a 52.282 amis sur facebook.
Ah, oui? Ah bon! Avoir tant d'amis est bien inquiétant aussi...:-))
Supprimerdommage qu'elle n'ait pas pu le faire! il aurait été intéressant de voir de quelle façon elle les aurait représentées...
RépondreSupprimermerci pour cette découverte!
Oh, oui!
SupprimerAvec plaisir Adrienne, excellent weekend.
Je ne connaissais pas Maria Blanchard jusqu'en novembre 2012 ,recevant Connaissance des Arts il y avait un article indiquant l'exposition.
RépondreSupprimerLe journaliste insistait sur le fait qu'elle avait été éclipsée par Van Dongen,Rivera,Lhote... et donc était tombée au rang d'artiste mineure et qu'il espérait que cette exposition la sortirait de ce rang
Bonne soirée
Merci Aloïs, on se demande bien qui sont ceux qui ont "planifié" cette mise au banc des "grands "artistes!
SupprimerLes blogs relayent les expos, les journaux...
Excellent weekend Aloïs
Elle n'a pas vécu mais des fleurs ont été assez "sauvages" pour pour cultiver au fil des années, des parfums et des couleurs-douleurs destinés à elle seule...
RépondreSupprimerComme toujours vous avez trouvé une majestueuse formule poétique pour l'évoquer. Merci à vous.
SupprimerJ'aime l'univers de Maria. J'apprécie particulièrement Pianista - composition cubiste - Madre e hijo 1926 - La convaleciente et puis tous les autres ! Je salue le travail de recherche au sujet de cette artiste talentueuse.
RépondreSupprimerMerci Serge, cela me fait plaisir que vous appréciez son monde; le choix des tableaux a été ardu...je les aurais presque tous mis.
SupprimerJ'imagine que vous rencontrez la même difficulté de choix avec vos photos!
Excellent weekend à vous!
Pour les photos c'est un peu plus simple car je n'ai pas de démarche galerie d'images pour exposition. Dans ce cas le choix devrait être plus drastique pour éviter les redondances d'information.
SupprimerOui, j'en aurais bien mis le double, si pas plus encore!
SupprimerC'est en passant chez Aloïs de Autour du puits que je découvre ton blog. J'y ai jeté un oeil et il m'a beaucoup plu. Je m'y abonne et vais te suivre régulièrement.
RépondreSupprimerBienvenue Amartia et merci.
SupprimerJe passerai chez toi, bonne soirée.
Je ne connaissais pas cette artiste mais ce billet que vous avez fait sur elle est magnifique. Il y a beaucoup de finesse dans ses tableaux, beaucoup de poésie. pas de couleurs criardes, juste des transitions douces de tons. Ca me réconcilie avec le cubisme.
RépondreSupprimerMerci beaucoup Colo. Comme ma mémoire défaillante ne retient pas les noms, je note quelque part sur un carnet, Maria Blanchard parmi les peintres que je préfère.
Très beau week-end Colo. Ici pour l'instant c'est le soleil qui domine, étonnant non?
Bonsoir Gérard, le weekend est passé, nous avons fait une excursion hors de l'île...beaucoup de vent.
SupprimerCela me fait plaisir que vous ayez tant apprécié sa peinture, peut-être se sent-elle moins seule maintenant...
Belle semaine à vous, amicalement.
Pas de fleurs donc...
RépondreSupprimerNon, si ce n'est sur sa tombe...
SupprimerMerci Colo pour ces deux volets, ouverts (tout premier portrait du billet 1 superbe) fermés (tout dernier tableau ci-dessus, poignant).
RépondreSupprimerDommage que tout doive avoir une fin K, 49 ans c'est jeune pour fermer les volets.
SupprimerBonne semaine à toi.
Une oeuvre un peu austère et mélancolique, mais j'aime son courage, sa détermination et son talent aussi bien dans le cubisme que la "peinture de la vie". Dommage pour les fleurs !
RépondreSupprimerJe n'ai rien lu de précis sur son caractère Lily, mais on l'imagine volontiers combative et triste, c'est vrai.
SupprimerÀ bientôt.
Contente d'avoir découvert cette artiste talentueuse avec toi.
RépondreSupprimerElle ne méritait pas un tel destin.
Contente, moi, que tu aies aimé son œuvre MH.
SupprimerIl y a des destins bien durs à accepter!
Belle semaine.
un beau parcours fort intéressant et la découverte fut vraiment riche !! merci à toi colo
RépondreSupprimerAvec plaisir Dominique! Bonne semaine.
SupprimerTu accroches définitivement Maria Blanchard dans ma mémoire avec ce beau billet richement illustré, de quoi rendre encore plus incompréhensible son effacement sur les tablettes de l'histoire de l'art. (Encouragée par son père, comme Camille Claudel.)
RépondreSupprimerJe retrouve auprès d'elle le couple Beloff-Rivera de "Cher Diego, Quiela t'embrasse" (Poniatowska) et je viens de chercher son nom dans "Bohèmes" de Dan Franck, qui la cite peut-être, mais malheureusement pas d’index à la fin de son livre.
Pour toi, j’ai cherché et trouvé la nature morte dont tu parles sur http://sinenmudecer.blogspot.be/2012/11/maria-blanchard.html
Et un autre billet en anglais que tu as sans doute vu et qui offre d’autres illustrations : http://www.artinconnu.com/2011/01/maria-blanchard-1881-1932.html
Voilà pour un commentaire un peu tardif mais non moins admiratif.
Il y a de superbes portraits faits par Rivera de Angelina, je t'en enverrai.
SupprimerGrand merci, cette nature morte rouge est magnifique!
María Blanchard a peint tant de beaux tableaux, on n'a que l'embarras du choix...le jeune fille lisant, ou "Le repas" par exemple.
Ma réponse est tout aussi tardive....une saut hors de mon île, bien agréable.
Eh bien la pauvre, je n'en avais jamais entendu parler! Par contre, Juan Gris... hé hé hé, on ne prête souvent qu'aux riches et aux hommes, non?
RépondreSupprimerJe reconnais bien là ton style ironique Edmée, mais oui, tu as raison!
SupprimerMerci vraiment de m'avoir fait découvrir cette femme. Elle me fait penser à Frieda Khalo.
RépondreSupprimerJe vais chercher un livre sur elle, cela me plairait d'en avoir un pour le feuilleter de temps en temps, jusqu'au jour où je pourrai voir ses oeuvres en vrai.
Bon dimanche.
Bonsoir Bonheur, j'espère que tu en trouveras un, je n'ai pas encore cherché en librairie ici. Si jamais j'en voyais un je te ferais signe bien sûr.
SupprimerExcellente semaine.
Merci pour la découverte. Sacrée œuvre !
RépondreSupprimerAvec plaisir Obni, découvrir est toujours un plaisir.
SupprimerLe tableau que je préfère c'est : "La niña del brazalete" car je n'aime pas le cubisme et je pense que j'aurais aimé ses fleurs...
RépondreSupprimerBel hommage à une inconnue pour moi, je retiens son nom !
Beau dimanche
Cette petite fille est fort réussie, tu as raison et les oeuvres de la dernière partie de sa vie ne sont pas ou peu influencées par le cubisme.
SupprimerBelle semaine à toi!
Beaucoup de maîtrise et de talent! Je vais aller voir de plus près qui elle est... merci pour cette belle découverte!
RépondreSupprimerBonjour et bienvenu Marc, oui, un beau talent et beaucoup de travail.
SupprimerJ'espère que vous trouverez en français les infos désirées.
Encore des femmes que je ne connais pas : Anglada Camarasa, Angelina Beloff...il n'y a même pas de wikipédia sur elles !
RépondreSupprimerLes peintures de Maria Blanchard sont d'une grande force ! Du coup, j'en ai vu quelques autres ailleurs pour compléter et elle a aussi peint une très belle "femme à la guitare" cubiste également, mais tout en aplats et camaïeu de bruns, et puis une femme qui lit intitulé "La lecture" (et sans doute plein d'autres choses, bien sûr).
Malheureusement je ne peux mettre de liens.
Super découverte ! Merci Colo !
Bonjour Euterpe, Anglada Camarasa était....un homme, "Hermenegildo" de son petit nom. Mais je m'étonne que tu ne trouves pas Angelina Beloff, la voici sur la Wiki anglais: http://en.wikipedia.org/wiki/Angelina_Beloff
SupprimerOui, la "Jeune fille lisant" est superbe, je ne me souviens pas d'avoir vu la "femme à la guitare", je vais chercher, merci.
Ta liste s'allonge encore et encore....super!
Belle semaine Euterpe!
Merci pour cette découverte. Ma culture picturale si elle n'est pas complètement nulle est au niveau de mon QI (celui de la moule adulte) dons assez nulle. Finalement la toile est un puits de science....
RépondreSupprimerBienvenu Jeanmi, j'ai déjà vu votre nom quelque part, mais sur quel blog? peu importe.
SupprimerCette peintre est une découverte pour tous, moi y compris il y a peu encore, alors aucun complexe!
Comme je l'avais raconté dans le billet précédent, ce n'est que l'année dernière que le Musée reina Sofía a fait une expo d'elle et tous les journaux españols de parler de "l'inconnue si talentueuse"...
Mais oui, la toile, les blogs sont des sources extraordinaires...je passerai chez vous, bonne soirée.
merci merci pour cette biographie et pour les reproductions. Intéressante en effet
RépondreSupprimerDe rien, de nada Kwarkito!
SupprimerBelle semaine à toi.
Et si je vis, au-delà de mon départ à la retraite, je peindrai à nouveau.... si ? si ? J'avais trouvé consolation dans la peinture, et cela me suffisait... la religion ? non pas pour moi...
RépondreSupprimerVite la retraite alors Lou paix et plaisir pour toi...et nous si tu nous montres ça!
SupprimerChouette découverte. Je trouve ses tableaux particulièrement poignants, en particulier la convalescente et San Tarcisius. J'ignorais tout de cette peintre et j'adore apprendre.
RépondreSupprimerNous apprenons ensemble Damien, il y a peu que j'ai fait sa connaissance!
SupprimerBelle journée à toi.
Pas étonnant que dans le sillage de Van Dongen elle ait peint une gistane.
RépondreSupprimerj'aime aussi beaucoup sa période cubiste et sa composition rouge:"Nature morte avec lampe".
Un certain goût d'inachevé à cause de la maladie et de l'émotion.
Cette peintre avait tout pour que le succès lui sourie et pourtant...
SupprimerComme toi, j'aime beaucoup cette composition rouge.
Changer le nom pour donner plus de valeur aux tableaux... C'est à peine croyable ! Merci, Colo (et Tania !), pour ces magnifiques trouvailles.
RépondreSupprimerOui, c'est incroyable...tout n'est qu'une question de fric finalement!
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