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28 févr. 2023

Emportés par la vie / Llevados por la vida

 

   Juan Gelman – Argentine 1930-2014


Una mujer y un hombre, 1962 / Une femme et un homme 

 

Une femme et un homme emportés par la vie,
une femme et un homme face à face
habitent dans la nuit, débordés par leurs mains,
ils s’entendent monter libres dans l’ombre,
leurs têtes reposent sur une belle enfance
qu’ils ont créée ensemble, pleine de soleil, de lumière,
une femme et un homme attachés par leurs lèvres
comblent la nuit lente de toute leur mémoire,
une femme et un homme plus beaux en l’autre
occupent leur place sur la terre.

Traduit de l’espagnol par Jacques Ancet, je n'y ai changé qu'un mot.  

 

                                  Cordelia Urueta (Mexico) Un couple dans la nuit

Una mujer y un hombre llevados por la vida,
una mujer y un hombre cara a cara
habitan en la noche, desbordan por sus manos,
se oyen subir libres en la sombra,
sus cabezas descansan en una bella infancia
que ellos crearon juntos, plena de sol, de luz,
una mujer y un hombre atados por sus labios
llenan la noche lenta con toda su memoria,
una mujer y un hombre más bellos en el otro
ocupan su lugar en la tierra.





21 févr. 2023

Fleurs et couleurs chez G.García Márquez

 

Il suffit de taper “ Gabriel García Marquez” roses jaunes, ou fleurs jaunes ou jaune tout court pour qu’apparaissent des sites, tant en espagnol qu’en français (plus nombreux en espagnol évidemment) où l’on cite ce passage de “Cent ans de solitude”:


«Ils ont vu par la fenêtre qu'une pluie de minuscules fleurs jaunes tombait. Ils sont tombés toute la nuit sur la ville dans une tempête silencieuse, ont couvert les toits, ont bloqué les portes et ont étouffé les animaux qui dormaient en plein air. Tant de fleurs sont tombées du ciel, que les rues se sont réveillées couvertes d'une courtepointe compacte, et ils ont dû les nettoyer avec des pelles et des râteaux pour que l'enterrement puisse passer ».


Ah, c’est vrai qu’il aimait cette couleur mais surtout les fleurs. En forme de boutade il a déclaré après avoir reçu le prix Nobel en 1982 “...de sorte que la grande conjuration de tous les maux serait une belle femme, mais comme on ne peut la mettre dans un vase, ni la porter à la boutonnière, alors le plus beau, après une belle femme, c’est une fleur jaune”.


Dans Cent ans de solitude on trouve nombre de plantes et fleurs comme les Strelizia, Acorius, Aloe Vera, palmiers...et une artiste chilienne Luisa Rivera a illustré une version du roman dont voici quelques exemples.

 




 

 

Mon roman préféré de lui est “L’amour aux temps du choléra”, ah, si vous ne l’avez pas lu…! C’est là que j’ai trouvé quantité de fleurs, pour toutes les occasions, fleurs d’amour et de mort mais pas que...

Voici quelques extraits, j'ai choisi des fleurs différentes.

- De toute façon il allait envoyer une couronne de gardenias, pour si jamais Jeremiah de Saint – Amour avait eu un dernier moment de repentance.


Et puis ceci qui me fait rire.

Juvenal Urbino se levait au chant du coq, heure à laquelle il commençait à prendre ses remèdes secrets : bromure de potassium pour remonter le moral, salicylates pour les douleurs dans les os par temps de pluie, gouttes d’ergot de seigle pour les vertiges, belladone pour le bon sommeil.

                                    Belladone

Il prenait son petit déjeuner en famille mais s’accordait un régime personnel : une infusion de fleurs d’absinthe

 

                                    Fleurs d'absinthe

Flowers in the hair...


Fermina Daza était différente sans son uniforme de collégienne car elle portait une tunique de fil toute plissée qui lui tombait des épaules comme un péplum et elle avait sur la tête une guirlande de gardénias naturels qui lui donnait une apparence de déesse couronnée.


Le langage des fleurs:


Il lui offrit alors le camélia qu’il portait à la boutonnière. Elle le refusa : « C’est une fleur de fiançailles”.

 


                                   Camélia blanc



Un matin qu’il coupait des roses dans son jardin, Florentino Ariza ne put résister à la tentation de lui en porter une lors de sa visite suivante. Dans le langage des fleurs c’était un délicat problème car Fermina Daza était veuve depuis peu. Une rose rouge, symbole d’une passion brûlante, pouvait l’offenser dans son deuil. Les roses jaunes, qui dans un autre langage portaient bonheur, étaient, dans le vocabulaire trivial, signe de jalousie. Il lui avait une fois parlé des roses noires de Turquie qui eussent sans doute été plus appropriées, mais il n’avait pu en obtenir pour les acclimater à son jardin. Après avoir longtemps réfléchi, il se décida pour une rose blanche. Il les aimait moins que les autres parce qu’elles étaient insipides et muettes : elles ne disaient rien.

Au dernier moment, craignant que Fermina Daza ne commît la méchanceté de leur donner un sens, il en ôta les épines.



                                               Fleurs de pommes de terre

Et pour terminer, ces fleurs inattendues!

Certaines avaient orné leurs cheveux de superbes fleurs de pomme de terre 

qui commençaient à défaillir sous la chaleur.



13 févr. 2023

Où les ai-je mises? ¿Dónde los puse?

Voici un autre poème de Circé Maia, Tania m’avait encouragée à en traduire plus vu qu’en français il semble n’y en avoir que fort peu.


In memoriam            Circé Maia (90 ans maintenant)

Une bague, une chaise

mais surtout les lunettes, qui apparaissent soudain,

comme déjà là pour être mises.

Où ai-je laissé mes lunettes?” L’éternelle question

est maintenant inaudible mais s’entend presque,

plus exactement, elle est maintenant dans la zone mitoyenne

entre la réalité et le souvenir. Plus forte

que la seule mémoire, la question colle

aux lunettes et les fait osciller

entre ce qui est présent- le silence-

et ce qui fut le jour où ces lunettes

étaient toujours oubliées: Ah les lunettes!

¿Où les ai-je mises?

(Trad: Colo)


                                 

La photo de Gabriel Garcia Marqués, prise par Mauricio Veléz, avec lunettes et fleurs n’est pas innocente...un billet se prépare sur le grand rôle des fleurs chez cet auteur.

 

In memoriam Circé Maia (90 años ahora)


Un anillo, una silla
pero sobre todo los lentes, que aparecen, de pronto
como si ya estuviera por ponérselos.
“¿Dónde dejé los lentes?” La pregunta de siempre
es ahora inaudible pero casi se oye
mejor dicho, está ahora en la zona intermedia
entre la realidad y el recuerdo. Más fuerte
que la sola memoria, la pregunta se pega
a los lentes y los hace oscilar
entre lo que está aquí ahora -el silencio-
y lo que estuvo el día en que los lentes
eran siempre olvidados: ¡Ah, los lentes!
¿Dónde los puse?


7 févr. 2023

Contente / Contenta

        Des millions de femmes réalisent des travaux ménagers, s'occupent des

 enfants, certaines avec aigreur ou frustration, d'autres avec plaisir. Voici un poème

très simple,  dédié à ces dernières.                            


À cette femme


Circé Maia ( Uruguay)



Un pleur éveille cette femme:

elle se lève, moitié endormie.

Elle prépare un lait dans un silence

entrecoupé de petits bruits de cuisine.



Regarde comment son temps l’enrobe

et en lui elle est vivante.

Ses heures

solidement tramées

sont faites de fibres résistantes

comme des réalités: pain, avoine,

linge lavé, laine tissée.



De chaque heure germent d’autres heures

et toutes sont des marches

qu’elle monte et qui retentissent.

Elle sort et entre et bouge

et son labeur l’illumine. 

(Trad: Colo)

 

Jorge Jorge Blanco (Argentina)

Mujer en la cocina

 

A esta mujer
poema de Circe Maia

A esta mujer la despierta un llanto:
se levanta medio dormida.
Prepara una leche en silencio
cortado por pequeños ruidos de cocina.

 

Mira cómo envuelve su tiempo
y en el está vida.
Sus horas
fuertemente tramadas
están hechas de fibras resistentes
como cosas reales: pan, avena,
ropa lavada, lana tejida.

Cada hora germina otras horas
y todos son peldaños
que ella sube y resuenan.
Sale y entra y se mueve
y su hacer la
ilumina.



 

1 févr. 2023

Quand des artistes s'allient..../Cuando unos artistas se unen....



Il arrive, il m’arrive si souvent, de partir sur une piste puis d’en suivre une autre...


C’est ainsi qu’en cherchant des poètes-peintres, comme Rafael Albert du billet précédent, c’est Joan Miró qui s’est imposé: j’ai ainsi découvert qu’il s’était associé avec Jacques Prévert et avec Lise Deharme ( ou Lise Anne-Marie Hirtz, elle apparaît sous les deux noms). Une dame dont le nom m’était absolument inconnu, romancière et poétesse, une muse du surréalisme.

Elle a publié un recueil de poèmes (recueil surréaliste féminin) illustrés par J. Miró sous le titre “Il était une petite pie”


Mais commençons par Prévert-Miró. (les lettres sont minuscules, je vous les écris)

 À gauche:

Quand 

le rêveur revient à la vie 

la vie parfois lui sourit

Plus souvent

lui règle son compte

et

le congédie

À droite:

Toute 

réflexion faite

par ces temps de malheur

le miroir s'est brisé

On ne se voit pas                                                             En argot dans le texte

dans                                                                                 Ève adorait le soleil

 la mer                                                                                         et

                                                                                        le soleil a doré Eve

                                                                                        c'est pourquoi 

                                                                                        dans la langue du plaisir

                                                                                               Reluire 

                                                                                       veut dire jouir

                                                                                               et

                                                                                              le dit

Et voici un des poèmes du Lise Deharme, toujours illustré par J. Miró

Une petite pomme un jour d'été

s'en est allée

rouler-rouler

loin du verger

des dents cruelles

et loin des piqûres d'abeille

une grosse pierre

voulut l'arrêter

Elle s'est dépêchée de la manger

et dans le ciel s'est est allée.