L’avant dernier billet parlait de cet état, confortable ou non, de se trouver ou
voguer entre Nord et Sud.
Cette notion d’Entre a fait son chemin et j’ai lu, entre autres, des passages du Livre
de l’intranquillité de Pessoa, merci Marie, et un poème sur ce vaste sujet "l'entre" auquel
je réfléchis depuis de longues années.
Entre
Marta Navarro
Entre les coutures des jours
on peut entendre
la voix des petites choses,
leur impatience à vouloir sortir,
à ne plus avoir ni peur ni silence.
Entre les coutures des jours
habite un monde qui rêve
de vivre dans d’autres mondes.
Trad: Colo
ENTRE
Marta Navarro
Entre
las costuras de los días
se puede escuchar
la voz de las
cosas pequeñas,
su pataleo por querer salir,
por dejar de
tener miedo y silencio.
Entre las costuras de los días
habita
un mundo que sueña
vivir en otros mundos.
Le rêve de Jacob. José Ribera |
"Je sais que je me suis éveillé, et que je dors encore. Mon corps ancien, recru de ma fatigue de vivre, me dit qu'il est bien tôt encore. Je me sens fébrile de loin. Je me pèse à moi même, je ne sais pourquoi…
Dans une torpeur lucide, lourdement incorporelle, je stagne, entre sommeil et veille, dans un rêve qui n’est qu’une ombre de rêve. Mon attention flotte entre deux mondes, voit aveuglément la profondeur d’un océan et la profondeur d’un ciel ; et ces profondeurs se mêlent, s’interpénètrent, et je ne sais plus ni où je suis, ni ce que je rêve."
Pessoa, Le livre de l’intranquillité.
"Sé que desperté y que duermo todavía. Mi cuerpo antiguo, molido de tanto vivir, me dice que es muy temprano aún... Estoy muy febril de lejos. Me siento apesadumbrado y no sé muy bien por qué...
En un sopor lúcido, pesadamente incorpóreo, atrancado entre el sueño y la vigilia, en un sueño que es la sombra de soñar. Mi atención flota entre dos mundos y ve ciegamente la profundidad de un mar y la profundidad de un cielo; y estas profundidades se interpenetran, mezclándose, y yo no sé donde estoy ni lo que sueno.”
Libro del desasosiego, Pessoa.
Ce poème est superbe, tellement vrai: L"entre" est une parenthèse, un îlot, une passerelle un "no man’s land ", un endroit où le temps s'arrête "entre deux..." pour rêver, saisir l'infini des "petits riens"
RépondreSupprimerUn bel enthousiasme pour ce poème, Marie, merci.
SupprimerEntre semble un vide et est pourtant si peuplé.
https://marie-aupaysdesimagesetdesmots.blogspot.com/2024/09/poeme-entre-deux.html
SupprimerMerci beaucoup Marie, c'est superbe.
SupprimerLa coexistence de deux rêves, de deux univers opposés, aussi incommunicables, qu'étroitement liés. Un sujet troublant et puissamment poétique.
RépondreSupprimerMerci Colo, de nous avoir entrouvert le rideau de l'entre deux !
Bonjour Antoine, il y a des années, j'ai rencontré ici une artiste suisse; Sandra Lehnis,(https://www.sandralehnis.com/work/animus-mundi) qui était subjuguée par les champs d'oliviers. Ce qui l'intéressait était ce qui se passe entre les arbres, ce vide si vivant, si rempli.
SupprimerCet "Entre" est toujours imprécis, troublant comme tu dis, et donc extrêmement intéressant, oui.
Bonne semaine !
Bonjour Colo et quel bonheur de te retrouver avec ces poèmes pleins de douceur et de légèreté. En effet il y ainsi un temps "entre" dans lequel nous flottons un peu, nous rêvons, nous vivons pleinement dans le présent aussi...Les mots de Pessoa me parle plus encore mais je découvre grâce à toi Marta Navarro...je vais essayé d'être plus attentive à ces "petites choses", elles ont des chose à m'apprendre je crois bien :) Très belle semaine et merci pour ce partage
RépondreSupprimerMerci à toi Manou, et bonne découverte de belles petites choses !
Supprimerj'aime le poème et le commentaire de Marie
RépondreSupprimerPessoa je l'ai lu beaucoup trop vite il y a des annnées, il faudrait que j'y revienne
Ce recueil de pensées, histoires, réflexions de Pessoa est à lire par petites doses, à picorer, il est plein de sagesse, désespoir, poésie...
SupprimerLes "entre" ont quelque chose de confortable, pas encore défini, qui permet une rêverie un peu paresseuse. Les textes que tu nous offres aujourd'hui le traduise si bien. Bonne journée Colo.
RépondreSupprimerC'est ça, oui, ils permettent le rêve, excitent l'imagination aussi.
SupprimerBonne journée à toi chère Aifelle.
Heureuse de voir que Pessoa t'inspire. Oui, où est-on vraiment ? Entre qui et qui ? Ou entre quoi et quoi ? N'est-ce pas aussi une question d'âge, de saison, de vent ou de pluie ?
RépondreSupprimerOh oui, Pessoa que je lis peu à peu, me fait beaucoup réfléchir...Cet "entre" physique, psychologique et même philosophique ouvre des perspectives insoupçonnées, je m'y sens si bien !
SupprimerCe "Livre de l'intranquillité" porte donc bien son titre !
SupprimerTellement poétique l'évocation de la nuit comme "la couture des jours".
RépondreSupprimerMerci Colo pour ces deux textes et tes recherches...et tes traductions ! Un beso !
Bonjour, bonjour, merci à toi Claudie, pour rester dans le sujet, entre certains blogueurs se créent des liens un peu mystérieux et si importants, forts. Un beso, merci!
SupprimerC'est gentil de me faire confiance sur les recettes. J'espère que tu seras enchantée de cette recette que tu as commentée aujourd'hui. Ici, ciel gris avec du mistral et des températures en baisse. Enfin, on respire! Bisous
RépondreSupprimerOn respire, oui, et cuisiner redevient un plaisir !
SupprimerDeux belles références. Merci.
RépondreSupprimerPessoa décrit un intervalle où l'on séjourne parfois comme si on voulait suspendre/arrêter (?) le cours du temps.
Bonjour K, oui, avec l'immense envie de prolonger cet état où on ne doit rien décider ni entreprendre...Bon week-end! Merci.
SupprimerOui cet entre deux est un moment très agréable au réveil quand on sait qu'on est réveillé mais encore dans les limbes. Pessoa ne peut être lu que par par petite doses. C'est trop d'un seul coup. merci pour ces extraits
RépondreSupprimerHola Zoë, un poème de Pessoa est intitulé "Entre le sommeil et le sonde" et commence ainsi:
SupprimerEntre le sommeil et le songe,
Entre moi et ce qui est en moi
Est l’être que je me suppose,
Coule un fleuve sans fin.
Bonne journée !