Merci
à Sergio qui m’a signalé
cet autre poème d’Oliverio Girondo, encore plus surréaliste, fort
amusant ai-je trouvé, malgré, c’était l’époque, une image de
la femme qui ferait hurler je suppose si publié en 2023.
Épouvantail par
Oliverio Girondo. (Buenos Aires 1881-1967)
Je me fiche éperdument que les
femmes
aient des seins comme des magnolias ou comme des figues
sèches,
une peau de pêche ou de papier de verre.
Je
n’attache aucune importance
au fait qu’elles se réveillent
avec une haleine aphrodisiaque
ou avec une haleine insecticide.
Je
suis parfaitement capable de supporter
qu’elles aient un nez
digne de remporter le premier prix
d’une exposition de
carottes;
-mais il y a une chose- et sur ce point je suis
intraitable- que je ne leur pardonne
sous aucun prétexte, c’est
de ne pas savoir voler.
Si elles ne savent pas voler, celles qui
prétendent me séduire perdent leur temps!
C’est
la raison et la seule pour laquelle je suis tombé si
follement
amoureux de Maria Luisa.
Que
m’importaient ses lèvres à épisodes et ses chaleurs
sulfureuses?
Que m’importaient ses extrémités de
palmipède
et ses regards de pronostic réservé?
Maria
Luisa était une véritable plume!
Dès l’aube elle volait de
la chambre à la cuisine,
elle volait de la salle à manger au
cellier.
En volant elle préparait mon bain, ma chemise.
En
volant elle faisait ses courses, vaquait à ses occupations…
Avec
quelle impatience j’attendais qu’elle rentre, en volant,
de
quelque promenade dans les environs!
Là-bas
au loin, perdu dans les nuages, un point rose.
« Maria-Luisa!
Maria-Luisa! » …et en quelques secondes,
elle
m’étreignait de ses jambes de plumes,
pour m’emmener, en
volant, quelque part.
Durant
des kilomètres de silence nous planions en une caresse
qui
nous rapprochait du paradis;
durant des heures entières nous
faisions notre nid dans un nuage,
comme deux anges, et
soudain,
en vrille, en feuille morte,
l’atterrissage
forcé d’un spasme.
Quel délice d’avoir une femme aussi
légère…,
même si elle nous fait voir trente-six chandelles,
de temps en temps!
Quelle volupté de passer ses journées dans
les nuages
et ses nuits dans un vol sans escale!
Après
avoir connu une femme éthérée,
Quel sorte d’attrait une
femme terrestre peut-elle offrir?
Il n’y a pas de différence
substantielle, n’est-ce pas?
entre vivre avec une vache ou
avec une femme
qui a les fesses à soixante-dix huit centimètres
au-dessus du sol.
Moi,
du moins, je suis incapable de comprendre
la séduction d’une
femme pédestre,
et pour autant que je m’efforce de le
concevoir,
je ne peux même pas imaginer
qu’on puisse
faire l’amour autrement qu’en volant.
Traduit par Juliette Gheerbrant et Olivier Favier.
ESPANTAPÁJAROS
Oliverio Girondo, (Buenos Aires
1881-1967)
No
se me importa un pito que las mujeres
tengan los senos como
magnolias o como pasas de higo;
un cutis de durazno o de papel
de lija.
Le doy una importancia igual a cero,
al hecho de
que amanezcan con un aliento afrodisíaco
o con un aliento
insecticida.
Soy perfectamente capaz de sorportarles
una
nariz que sacaría el primer premio
en una exposición de
zanahorias;
¡pero eso sí! -y en esto soy irreductible- no les
perdono,
bajo ningún pretexto, que no sepan volar.
Si no
saben volar ¡pierden el tiempo las que pretendan seducirme!
Ésta
fue -y no otra- la razón de que me enamorase,
tan locamente,
de María Luisa.
¿Qué me importaban sus labios por entregas y
sus encelos sulfurosos?
¿Qué me importaban sus extremidades
de palmípedo
y sus miradas de pronóstico reservado?
¡María
Luisa era una verdadera pluma!
Desde el amanecer volaba del
dormitorio a la cocina,
volaba del comedor a la despensa.
Volando me preparaba el baño, la camisa.
Volando
realizaba sus compras, sus quehaceres...
¡Con qué impaciencia
yo esperaba que volviese, volando,
de algún paseo por los
alrededores!
Allí lejos, perdido entre las nubes, un puntito
rosado.
"¡María Luisa! ¡María Luisa!"... y a los
pocos segundos,
ya me abrazaba con sus piernas de pluma,
para
llevarme, volando, a cualquier parte.
Durante kilómetros de
silencio planeábamos una caricia
que nos aproximaba al
paraíso;
durante horas enteras nos anidábamos en una nube,
como dos ángeles, y de repente,
en tirabuzón, en hoja
muerta,
el aterrizaje forzoso de un espasmo.
¡Qué
delicia la de tener una mujer tan ligera...,
aunque nos haga
ver, de vez en cuando, las estrellas!
¡Que voluptuosidad la de
pasarse los días entre las nubes...
la de pasarse las noches
de un solo vuelo!
Después de conocer una mujer etérea,
¿puede brindarnos alguna clase de atractivos una mujer
terrestre?
¿Verdad que no hay diferencia sustancial
entre
vivir con una vaca o con una mujer
que tenga las nalgas a
setenta y ocho centímetros del suelo?
Yo, por lo menos, soy
incapaz de comprender
la seducción de una mujer pedestre,
y
por más empeño que ponga en concebirlo,
no me es posible ni
tan siquiera imaginar
que pueda hacerse el amor más que
volando.