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29 oct. 2019

Sensuelle Delmira / Sensual Delmira


Delmira Agustini. Nous y revoilà donc comme annoncé la semaine dernière..
Delmira Agustin. Aquí estamos, tal y como anunciado la semana pasada.
Vous le savez, j’ai l’habitude de vous raconter les poètes plutôt que d’en faire la biographie. Mais voilà que j‘ai découvert que la traductrice, Monique-Marie Ihry, tient un blog, “Dans le jardin des mots” où vous pourrez lire un bel aperçu de la vie de Delmira. C’est ici.

 
Delmira Agustini
Como ya sabéis, tengo por costumbre contaros los poetas más que hacer una biografía. Pero he aquí que la traductora Monique-Marie Ihri, tiene un Blog, “Dans le jardin des mots” donde podréis leer, en francés, una bella introduccióna la vida de Delmira.


En résumé donc, cette jeune fille d’excellente famille, précoce et très douée, éduquée à la maison par un précepteur, -ce qui implique une pauvre socialisation-, publie à 21 ans son premier recueil intitulé “El libro blanco”. Des vers passionnés et sensuels, chargés d’érotisme. Autant dire que les critiques de l’époque étaient des hommes, nous sommes en 1907, et la société, comme en Europe d’ailleurs, était patriarcale. Les femmes avaient un rôle précis à la maison, ces critiques donc n’étaient visiblement pas préparés à cela. L’un d’eux, très en vue, Carlos Vaz Ferreira, lui écrivit une lettre qui disait: “comment vous êtes arrivée, que ce soit à savoir ou à sentir ce que vous avez mis sur certaines pages, est tout à fait inexplicable”.
En resumen: esta joven de excelente familia, precoz y llena de talento, educada en casa por un preceptor, -lo que implica una pobre socialización- , publica a los 21 años su primer poemario titulado “El libro blanco”. Versos apasionados y sensuales cargados de erotismo. Va sin decir que los críticos de la época eran hombres, -estamos en 1907 y la sociedad, al igual que en Europa, era patriarcal. Las mujeres tenían un papel preciso en casa, esos críticos, digo, visiblemente no estaban preparados para eso. Uno de los más destacados, Carlos Vaz Ferreira, le escribió una carta en la que decía: «cómo ha llegado usted, sea a saber, sea a sentir, lo que ha puesto en ciertas páginas, es algo completamente inexplicable».

Bon, bon. Comme si la poésie ne pouvait venir que de l’expérience. Et les rêves? Et le désir?
Bien sûr les thèmes du désir, du plaisir, du corps féminins étaient tabous, même dans les métaphores.
¡Bueno! Como si la poesía sólo pudiera nacer de la experiencia. ¿Dónde los sueños? ¿Dónde el deseo?
Por supuesto lo relacionado con el deseo, con el placer, con el cuerpo femenino era tabú, incluso en las metáforas.

Maxmilián Pirner Leda

   Et mon regard était une couleuvre
Pointée entre des buissons de cils,
Sur le cygne révérant de ton corps.
Et mon désir était une couleuvre
Rampant entre les falaises de l’ombre
Vers la statue de lys de ton corps.

   Tu te penchais encore et encore...et tant,
Et tu te penchas tant,
Que mes fleurs érotiques sont doubles,
Et mon étoile est plus grande depuis.
Toute ta vie se grava dans ma vie.

Traduction: Monique-Marie Ihry

Avec l’aimable autorisation de Cap de l’Étang Éditions, http://www.capdeletang.com.

( Extrait du poème Vision p.42)

   Y era mi mirada una culebra
Apuntada entre zarzas de pestañas,
Al cisne reverente de tu cuerpo.
Y era mi deseo una culebra
Glisando entre los riscos de la sombra
A la estatua de lirios de tu cuerpo.
   Tú te inclinabas más y más... y tanto,
Y tanto te inclinaste,
Que mis flores eróticas son dobles,
Y mi estrella es más grande desde entonces.
(del poema Visión)




Poésie moderniste aussi, avec ses symboles fleurs, cygnes, marbres, dans sa première étape.
Poesía modernista también, con sus símbolos de flores, cisnes, mármoles, en su primera etapa.

Dans ses recueils suivants, “Chants du matin” et “Les calices vides”, l’amour est plus authentique et si féminin.
En las publicaciones siguientes, “Cantos de la mañana” y “Cálices vacíos”, el amor es más auténtico y tan femenino.



    Éros, je veux te guider, Père aveugle…
Je demande à tes mains toutes-puissantes,
Son corps souverain répandu en flammes
Sur mon corps évanoui dans les roses!

    La couronne électrique qu’aujourd’hui je déplie
Offre le nectar d’un jardin d’Épouses;
À ses vautours en ma chair je délivre
Tout un essaim de colombes roses!

(Extrait du poème Une autre lignée, p.53)

Traduction: Monique-Marie Ihry

Avec l’aimable autorisation de Cap de l’Étang Éditions, http://www.capdeletang.com.



Gustav Klimt , vers 1908-1915
  Eros, yo quiero guiarte, Padre ciego...
pido a tus manos todopoderosas
¡su cuerpo excelso derramado en fuego
sobre mi cuerpo desmayado en rosas!
  La eléctrica corola que hoy despliego
brinda el nectario de un jardín de Esposas;
para sus buitres en mi carne entrego
todo un enjambre de palomas rosas.
(del poema Otra estirpe)

À 27 ans elle est assassinée dans d’étranges circonstances par son ex-mari avec lequel elle continuait à avoir des relations charnelles. Éros et Thanatos.
Cette fin tragique et prématurée ne change pas grand chose au rôle que sa poésie a eu pour créer des femmes plus libres, originales et vraies- Rôle qu'a également joué Alfonsina Storni .

A los 27 años fue asesinada en extrañas circunstancias por su ex-marido con e cual seguía teniendo relaciones carnales. Eros y Tanatos.
Este fin trágico y prematuro no cambia mucho al papel que su poesía tuvo para crear mujeres más libres, originales y verdaderas. Al igual que Alfonsina Storni.

NB: Pour écrire ce billet je me suis inspirée de sources variées dont:

Para escribir esta entrada me inspiré de varias fuentes entre las cuales:







24 oct. 2019

Caresser un souvenir / Acariciar un recuerdo




Delmira Agustini
Uruguay, Montevideo 1886-1914
https://www.perfil.com/noticias/cultura/8m-dia-mujer-delmira-agustini-poeta-uruguaya-victima-femicidio.phtml

Au dos du recueil de poèmes “Les calices vides” ceci:
À la fois “fleur d’innocence”, sculptrice de l’amant imaginaire, femme fatale, Delmira Agustini, poète uruguayenne lyrique, féministe et moderniste appartenant à la Génération de 1900 , décrit l’Amour et sa passion démesurée dans son troisième recueil Les calices vides (1913) dédié à Éros et traduit en français par la poète Monique-Marie Ihry.”

Je vous l’ai écrit la semaine dernière, je ne connaissais pas Delmira. Une vie très courte dont je vous reparlerai la semaine prochaine car je suis tombée quasiment amoureuse de cette jeune femme.
Voici la première partie d’un long poème.


Pour tes mains

   Mains faites Vie,
Mains faites rêve;
Qui avez donné toute la beauté,
Que toute la beauté vous ont donné;
Aussi vivantes que deux âmes,
Aussi blanches que la mort,
Aussi douces que l’on croirait
Caresser un souvenir;
Calices des élixirs,
Filtres et venins;
Mains qui me comblèrent,
Mains qui me firent peur!
De vos doigts vous avez pris
La fleur ardente de mon corps…
Mains parées
Du rubis de mon désir,
De la perle de ma tristesse,
Et du diamant de mon baiser:
Emportez dans la fosse-même
Un pétale de mon corps!
Mains faites Vie,
Mains faites Rêves.

(…)

Traduction: Monique-Marie Ihry
Avec l’aimable autorisation de Cap de l’Étang Éditions, http://www.capdeletang.com.

Manos que sois de la Vida,
Manos que sois del Ensueño;
Que disteis toda belleza
Que toda belleza os dieron;
Tan vivas como dos almas,
Tan blancas como de muerto,
Tan suaves que se diría
Acariciar un recuerdo;
Vasos de los elixires
Los filtros y los venenos;
¡Manos que me disteis gloria
Manos que me disteis miedo!
Con finos dedos tomasteis
La ardiente flor de mi cuerpo...
Manos que vais enjoyadas
Del rubí de mi deseo,
La perla de mi tristeza,
Y el diamante de mi beso:
¡Llevad a la fosa misma
Un pétalo de mi cuerpo!
Manos que sois de la Vida,
Manos que sois del Ensueño.

(...)

15 oct. 2019

Un coup de vent / Un golpe de viento



Vous le savez, il y a au moins une dizaine d’années que je publie(principalement) des poèmes espagnols et sud-américains. La plupart du temps je les traduis moi-même. Avec beaucoup de travail et... plus ou moins de succès:-))
Il y a peu un éditeur Français m’a écrit  pour me demander si cela m’intéressait qu’il m’envoie gracieusement deux recueils de poésie traduits en français, un d’Alfonsina Storni, une Argentine déjà présentée ici et puis un autre de l'Uruguayenne Delmira Agustini. Je ne connaissais cette dernière que de nom.
Très vite ils sont arrivés chez moi. Joliment présentés avec une introduction de la traductrice, Monique-Marie IHRY et de nombreux poèmes bilingues.
Un tout grand merci à Monsieur Bruno SALGUES, directeur de la maison d’édition Cap de l’Étang, et à la traductrice.


Le recueil d’Alfonsina Storni s’appelle Langueur.
.

LA BEAUTÉ

Alfonsina Storni

Les enfants m’entourent
Et j’entre dans leurs âmes.
J’y pénètre et j’ai peur:
L’esprit humain est mauvais.
Une phrase mord; un regard
Est lancé de travers.
Je suffoque d’amertume.

Un coup de vent ouvre
La fenêtre fermée:
Le bleu limpide du ciel
Me blesse le regard
Et cette vision m’épuise…

Des mains invisibles
Me libèrent l’âme
À nouveau; à nouveau
Je crois en quelque chose: mon
Amertume s’apaise, et de nouveau
Je dis, sans le comprendre:
                                        merci!

Traduction: Monique-Marie IHRY, éditions Cap de l’Étang, https://capdeletang.com/, Langueur, p.99.
Joaquin Sorolla verano, 1904

LA BELLEZA 
Alfonsina Storni

Me rodean los niños
Y penetro sus almas.
Ahondo y tengo miedo:
La pasta humana es mala.
Muerde una frase; viene
Al sesgo una mirada.
Me ahogo de amargura.

La cerrada ventana
Abre un golpe de viento:

Me hiere la mirada
El limpio azul del cielo
Y esta visión me lava..

Manos que yo no veo
El alma me desatan
De nuevo; nuevamente
Creo en algo; se aplaca
Mi amargura, y de nuevo.
Digo, sin entenderlo:
                                          ¡ gracias !

Dans le prochain billet nous ferons la connaissance de Delmira Agustini.

8 oct. 2019

Quand tu dors... / Cuando duermes...


Roberto Juarroz (1925-1995)

Quand tu dors
ta main me transmet inopinément une caresse.
Quelle zone de toi l’a formée,
quelle région autonome de l’amour,
quelle partie réservée à la rencontre ?

Quand tu dors
je te redécouvre.
Et je voudrais m’en aller avec toi
au lieu d’où vient cette caresse.
*
– Poésie verticale  – Traduit de l’espagnol par Roger Munier.
 
Kokoschka, la novia del viento / La fiancée du vent

Mientras duermes
tu mano me transmite imprevistamente una caricia.
¿Qué zona tuya la ha creado,
qué autónoma región del amor,
qué parte reservada del encuentro?

Mientras duermes
te conozco de nuevo.
Y quisiera irme contigo
al lugar donde nació esa caricia.

Poesía vertical

2 oct. 2019

D'exil en exil / De exilio en exilio

Suite et fin de la vie de Rafael Alberti.

Nous avons laissé le poète lors de son inscription au parti communiste et de son engagement républicain pendant la Guerre civile. Les choses empirent, son ami Federica Garcia Lorca est assassiné. Il écrit plusieurs poèmes en son hommage. En voici un.


A Federico Garcia Lorca
Poète de Grenade.
   Automne 1924

Cette nuit où le poignard du vent 
sabre le cadavre de l’été,
j’ai vu dans ma chambre se dessiner
ton visage brun au profil gitan.
 
La plaine fleurie. Les fleuves, cimeterres
rougis par le sang virginal des fleurs.
Lauriers-roses. Cabanes. Prairies.
 
Dans la sierra, quarante brigands.
 
Tu t’es réveillé à l’ombre d’un olivier,
avec près de toi la fleur des comptines.
Ton âme de terre et brise, captive…
 
Abandonnant, très doux, ses autels,
l’ange des chants populaires a brûlé
devant toi une anémone votive.
(Trad: Colo)
 
Rafel Aberti et F. Garcia Lorca
           
 
A FEDERICO GARCÍA LORCA,
POETA DE GRANADA
(1924)
1
(OTOÑO)
En esta noche en que el puñal del viento
acuchilla el cadáver del verano,
yo he visto dibujarse en mi aposento
tu rostro oscuro de perfil gitano.

Vega florida. Alfanjes de los ríos,
tintos en sangre pura de las flores.
Adelfares. Cabañas. Praderíos.

Por la sierra, cuarenta salteadores.

Despertaste a la sombra de una oliva,
junto a la pitiflor de los cantares.
Tu alma de tierra y aire fue cautiva…

Abandonando, dulce, sus altares,
quemó ante ti una anémona votiva
el ángel de los cantos populares. 



Paloma, dessin de R. Alberti



C’est pour lui et sa femme le moment de s’exiler; Pablo Neruda l’invite dans sa maison Parisienne, Quai de l’Horloge. Picasso leur trouve du travail. Mais très vite, nous sommes en '39-'40, la Guerre Mondiale s’annonce, le Gouvernement de Pétain, allégeant leur affiliation au parti communiste, leur refuse le permis de travail.
Nouvel exil. Ils partent en Argentine où ils resteront une vingtaine d’années. Toujours actif, militantisme et surtout l’écriture de poèmes.
 La souffrance énorme aussi. Et cette amitié profonde avec Neruda.
« Rafael et moi nous sommes ce que j’appellerai simplement des frères. La vie a enchevêtré nos existences, bouleversé nos poésies et nos destinées. » (Neruda)

Parfois un brin d'humour dans ses poèmes de l’époque.


A cinquante ans, aujourd'hui j'ai ma bicyclette.
Beaucoup ont un yacht
et beaucoup plus encore ont une automobile ;
il en est même beaucoup qui ont déjà un avion.
Mais moi,
à cinquante ans tout juste, je n'ai qu'une bicyclette (...)
A los cincuenta años, hoy, tengo una bicicleta.
Muchos tienen un yate
y muchos más un automóvil
y hay muchos que también tienen ya un avión.
Pero yo,
a mis cincuenta años justos, tengo sólo una bicicleta(…)


Arrive  Juan Perón au pouvoir, nouvel exil, à Rome cette fois car Franco est toujours en place. Ce n’est qu’en 1977 qu’il rentre finalement dans son pays natal où il croit que tout le monde l’a oublié. Pas du tout, il est reçu très chaleureusement.

Voilà. Rafael Albert meurt chez lui, dans son village, en 1999. Il avait 97 ans, avait toujours écrit et tant vécu que vous comprendrez que cette biographie soit très incomplète.
Il disait que les poèmes sont faits pour être lus à voix haute, alors, rien que pour les sonorités, écoutez ce très court poème dédié à Picasso et lu par lui-même mais intraduisible car les rimes et assonances en sont le bijou.