Pages

13 mars 2013

Combien je suis / Cuántos soy


Il est des semaines où, on ignore pourquoi, une image, une musique, un mot, une idée, s'obstinent à nous poursuivre.
Cette semaine-ci, sur une place de Palma où je me baladais avec mon appareil, j'ai photographié ce panneau. 
Ciertas semanas una imagen, una música, una palabra, une idea, se obstinan en perseguirnos.
Esta semana empezó en una plaza de Palma donde paseaba con mi cámara y fotografié esta señal.


Plaza Progreso, Palma de Mallorca

 
Pourquoi ce mot, là?
J'y pensais encore quand j'ai vu cette peinture illustrant je ne sais plus quoi...signée : Confusion Group. Espagnols, de Madrid*.

¿Por qué esa palabra, allí?
Todavía pensaba en ello cuando vi esta pintura ilustrando no me acuerdo qué texto...firmada: Confusion Group. Españoles, de Madrid*.

Confusion Group: Sólo son rostros


Troublée par tant de confusions je me suis mise à traduire ce poème...ce qui n'a fait qu'augmenter mon chaos mental!
Perturbada por tantas confusiones decidí publicar este poema...¡lo que no hizo más que aumentar mi caos mental!



Pablo Neruda –
Nous sommes beaucoup
Vaguedivague (Estravagario, 1958)

De tant d’hommes que je suis, que nous sommes,
je ne puis en trouver aucun:
ils se perdent sous mes vêtements,
ils sont partis dans une autre ville.

Lorsque tout est prêt
pour me montrer intelligent
le sot caché en moi
parle par ma bouche.

D’autres fois je m’endors parmi
la société distinguée
et quand je cherche en moi le courageux,
un lâche inconnu de moi
s'empresse de prendre avec mon squelette
mille précautions délicieuses.

Quand une maison respectée brûle
au lieu du pompier que j’appelle
c'est l’incendiaire qui se précipite
et celui-là c’est moi. Je n'y peux rien.
Comment faire pour me choisir?
Comment me racheter?

Tous les livres que je lis
célèbrent des héros éclatants
toujours sûrs d’eux-mêmes:
je meurs de jalousie pour eux,
et dans les films de vents et de balles,
je demeure à jalouser le cavalier,
je demeure à admirer le cheval.

Mais lorsque j’appelle l’intrépide
c’est le vieux paresseux qui m’arrive,
et ainsi je ne sais qui je suis,
je ne sais combien je suis ou serons.

J’aimerais appuyer sur une sonnette
et faire sortir mon véritable moi
car si de moi j’ai besoin
je ne dois pas me dérober.

(...)

(Trad: Colo)
PABLO NERUDA





 Muchos somos.

Estravagario, 1958 

De tantos hombres que soy, que somos,
no puedo encontrar a ninguno:
se me pierden bajo la ropa,
se fueron a otra ciudad.

Cuando todo está preparado
para mostrarme inteligente
el tonto que llevo escondido
se toma la palabra en mi boca.

Otras veces me duermo en medio
de la sociedad distinguida
y cuando busco en mí al valiente,
un cobarde que no conozco
corre a tomar con mi esqueleto
mil deliciosas precauciones.

Cuando arde una casa estimada
en vez del bombero que llamo
se precipita el incendiario
y ése soy yo. No tengo arreglo.
Qué debo hacer para escogerme?
Cómo puedo rehabilitarme?

Todos los libros que leo
celebran héroes refulgentes
Siempre seguros de sí mismos:
me muero de envidia por ellos,
y en los films de vientos y balas
me quedo envidiando al jinete,
me quedo admirando al caballo.  

Pero cuando pido al intrépido
me sale el viejo perezoso,
y así yo no sé quién soy,
no sé cuántos soy o seremos.  

Me gustaría tocar un timbre
y sacar el mí verdadero
porque si yo me necesito
no debo desaparecerme. 
 

*Confusion Group es un grupo artístico que desarrolla su actividad en Madrid desde hace ocho años, en distintas disciplinas (artes plásticas, fotografía, vídeoarte, instalaciones, música, literatura…) tanto individual como colectivamente. También trabajan en colaboración con otros artistas. Confusion Group is an artistic group that develops his activity in Madrid for eight years, in different disciplines (plastic arts, photo, vídeoarte, art installations, music, literature…) both individual as collectivly. They also work incollaboration with other artists.
http://www.confusiongroup.com/paintings.html

39 commentaires:

  1. héhé ;-) mais c'est l'éternelle question du "qui suis-je" et du "connais-toi toi-même"... alors que nous constatons (ou pensons) que nous sommes pleins de confusion, en effet!
    merci pour cette réflexion intéressante et pour Neruda!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Hé, hé comme tu dis! être multiple est intéressant, faire sortir le bon moi au bon moment, compliqué comme le dit Neruda!
      Belle journée Adrienne!

      Supprimer
  2. Bob Dylan :
    - "I got mixed up confusion
    Man, it’s a-killin’ me
    Well, there’s too many people
    And they’re all too hard to please

    Well, my hat’s in my hand
    Babe, I’m walkin’ down the line
    An’ I’m lookin’ for a woman
    Whose head’s mixed up like mine

    Well, my head’s full of questions
    My temp’rature’s risin’ fast
    Well, I’m lookin’ for some answers
    But I don’t know who to ask

    But I’m walkin’ and wonderin’
    And my poor feet don’t ever stop
    Seein’ my reflection
    I’m hung over, hung down, hung up !"

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh, oui, parfait ce texte-chanson JEA!
      Over, down and up...à en attraper le tournis parfois, mais ne pas se poser de questions...
      (j'efface le doublon)
      Amicalement.

      Supprimer
  3. Toujours un plaisir relire Pablo Neruda.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne peux être plus d'accord avec toi Alba.
      Merci d'être passée, bonne journée.

      Supprimer
  4. Rien que des visages
    tous ces autres en nous
    Confusion des sentiments des idées
    des langues des couleurs
    Quel beau poème à lire
    en pensant à toi
    comme et combien tu es

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Grand merci pour ces mots chaleureux Tania.
      "L'enfant multiple" de A. Chédid, tu t'en souviens?
      Bonne journée.

      Supprimer
  5. On me le dit souvent: "toi, t'es pas tout seul dans ta tête!"
    "......En queue de peloton, je vais devoir vaincre mes démons qui jouent à domicile sur le territoire des ombres: la paresse, la gourmandise, l’envie.
    Sans oublier le mental en surcharge des passagers clandestins Victor Gueil, ce frimeur, G. Laflemme qui revendique un canapé, une pizza et une télé, Roman Talist qui me manipule et Arnaud Stalgie, « Mr c’était mieux avant », .
    Je flingue mon premier démon, Jack Précoce qui part toujours trop tôt, et la raison gardée....."
    Alex Cessif "Mémoires d'un schizophrène"

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Intéressant, douloureux pour toi?, témoignage Alex.
      Raison garder entre nos "moi", jouer l'équilibriste.

      Supprimer
  6. Faire sortir son moi véritable : d'accord d'accord je vais faire un effort :-)
    j'adore ce panneau et comme tous les détournements il donne à penser, à réfléchir et à partir en balade poétique

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Parfois il sort sans efforts...mais est-ce le bon? On n'en sort jamais:-)
      Qui avait bien pu se sentir si confus à cet endroit au point de l'inscrire? Un usager du petit parc au centre? Un habitué de ses bancs?

      Supprimer
  7. Je suis si confus de ne pouvoir exprimer toute la confusion qui est en moi.
    J'ai souvent remarqué que ceux ou celles qui ont des "tocs" ou qui sont si ordonné(e)s dans la vie sont souvent ceux ou celles dont c'est le b... dans la tête. J'en fais un peu partie et ça ne s'arrange pas en vieillissant :)
    Très beau poème de Neruda, mais le dire est presque un pléonasme. J'en suis confus !
    Très bonne journée ensoleillée Colo
    PS: lorsqu'on tape "confusion" sur Google images il y a de quoi se régaler

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je sors de mon chaos mental pour vous répondre!:-)
      Avec quel Gérard ai-je l'honneur de parler? Ah, d'accord.

      Neruda, avec une forme et des mots si simples, dit précisément, joliment...c'est ce que j'aime chez lui.
      ET, oui, j'avais regardé Google images en préparant ce billet, pas triste en effet!
      Soleil? Est-il chez vous? Ici il pleut.
      Bonne fin de journée Gérard.

      Supprimer
  8. Éternelle interrogation du moi, de ce que l'on croit être et qui n'est pas, de ce qui se cache attendant des circonstances imprévues pour se révéler. Les rêves sont à la fois interrogations et révélations, mais quel est donc la véritable personnalité enfouie si profondément dans le moi profond qui semble avoir accumulé les expériences bonnes ou mauvaises de plusieurs vies, la confusion ne viendrait-elle pas de l'inconscient partagé entre les contraires ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Entre le vécu et l'appris, l'inconscient et la découverte, peut-on y voir clair? Est-il important de trancher? Avons-nous une seule véritable personnalité?
      Si le moi est intéressant à essayer de connaître, il ne me passionne pas. Je le découvre encore parfois avec surprise, et cela me fait sourire/rire...ou pleurer!
      Merci de partager tes réflexions Serge, belle fin de journée.

      Supprimer
  9. jongler avec l'émoi !!!
    ... pour ne pas parler de soi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Lé moi! C'est ça, lol Sable!
      Parler de soi...certains en ressentent le besoin, d'autres moins ou peu.
      Merci d'être passée, je t'embrasse.

      Supprimer
  10. Poème du moi, du moi à deux têtes...
    Je suis du signe "gémeaux", et cela me parle complètement. Souvent il faut choisir entre deux positions, à écarteler son moi!!!!
    L'idée des contraires est très forte dans ce poème, Neruda était-il un grand tourmenté ???? Un grand poète en tout cas!
    Belle journée Colo !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Choisir ou peut-être cajoler les deux moi Enitram.
      Les contraires, oui, l'un pousse, l'autre tire, aïe, aïe.
      Pluies diluviennes, froid ici.
      Bonne soirée!

      Supprimer
  11. Etonnant,ce texte de Neruda me semble manquer de mystère... Me faudra-t-il le relire demain ou après-demain pour (sa)voir si cela persiste ?
    Et ton billet, avec son indroduction, une invite à ne pas tomber dans le panneau ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bien vu, en effet K!

      La dernière strophe ne me disait rien, je l'avais omise, la voici: crois-tu que le mystère était caché dans---la géographie???¿

      Pendant que j’écris je suis absent
      et quand je reviens je suis déjà parti:
      je vais voir si aux autres gens
      il leur arrive ce qui m’arrive,
      s’ils sont comme je suis si nombreux,
      s’ils se ressemblent à eux-mêmes
      et lorsque je l’aurai vérifié
      je vais apprendre si bien les choses
      que pour expliquer mes problèmes
      je leur parlerai de géographie.

      Supprimer
  12. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la confusion règne ds notre monde. Mais ce mot sur le panneau, vient éclater toute sa force à notre visage. En même temps, pour les croyants dont je fais partie, hier soir avec l'élection du nouveau Pape au nom bien nommé du bien aimé François, c'est en réponse une grande Espérance qui se lève.
    Si j'avais à incrire un nom sur un panneau ce serair "Espérance".

    Je te souhaite une très belle journée.
    Yanis

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Yanis, l’espérance oh, oui, les gens du sud de l'Europe aimeraient bien la voir surgir, même sur un panneau pour commencer! Cette élection apporte en effet beaucoup d'espoirs aux pauvres.
      Merci pour vos mots, belle journée à vous également.

      Supprimer
  13. c'et re-"moi" !
    le moi le surmoi tous ces mois ... j'aime bien octobre tout en douceur, et pour la confusion, c'est celle des sentiments que je préfère ... chez Zweig !
    Je t'embrasse Colo ( tu veux de la neige, elle tombe à nouveau grrrr !)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah, le re-moi ne figure pas dans la liste, il faudra l'y ajouter!

      Lu grâce à toi, magnifique cette confusion des sentiments, bien d'accord.

      Quant à la neige, chère Sable, nous en avons aussi, oui. La montagne derrière la maison en est couverte....je pense aux valises des touristes pleines de shorts et shirts évent(r)és!

      Belle journée au chaud, besos!

      Supprimer
  14. Ce très intéressant poème de Neruda fait penser à l'histoire du petit moi et du grand moi dont la morale est :
    "Vous tous Petits Moi, vous avez un Grand Moi mais chaque fois que vous émettez une pensée de non-amour vis-à-vis de vous-mêmes et des autres vous vous en éloignez. Juste une pensée d'amour et vous retrouverez votre ami le Grand Moi". Une façon de dire que si le/la lâche (le petit moi) sort au lieu du/de la courageux/se (le grand moi) c'est que nous avons eu une pensée méchante envers nous-même.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne connaissais pas cette histoire bien intéressante. Se connaître et s'aimer, aimer les autres. Peut-être "méchant" n'est-il pas le mot exact, le doute peut s'emparer de tous à un moment...
      Merci Euterpe.

      Supprimer
  15. J'aime la lucidité de Neruda sur les petitesses de l'Homme.... C'est si difficile de vivre dans la clarté.
    Bonne journée !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Bonheur, les petitesses, oui, mais ne découvrons-nous pas aussi des grandeurs inattendues, parfois?
      Le sale temps s'éloigne de notre île,j’espère que chez vous aussi! beau week-end!

      Supprimer
  16. Un Néruda que je ne connaissais pas - Marrante, cette remarque en lien avec le titre !- Bien sûr notre façon d'être et de penser révèle plusieurs facettes, souvent contradictoires. Mais il me semble que le poète reste dans une vision un peu trop existentialiste, pour moi. Jeunes, nous faisons cette expérience déroutante de la contradiction et nous en tirons une certaine richesse. Puis la maturité nous fait trouver une ligne de vie et l'être se "resserre" un peu pour mieux s'élargir. L'unité se fait, en général, et alors les pièces de notre "puzzle" intérieur peuvent s'installer. Ce qui n'empêche pas la contradiction d'avoir sa place, mais ce n'est plus elle qui nous définit. Le mot confusion me parait fort, en lien avec la maladie mentale ou la crise extérieure. Je relis le poème et je constate qu'il n'y parait pas. Tous, plus ou moins consciemment, nous aspirons à l'unité, qui n'est pas uniformité mais richesse pleine. Bonne journée Colo !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Belle analyse Lily, merci. Je suis tout à fait d'accord avec toi: à l'âge mûr ce n'est plus la contradiction qui nous définit même si elle émerge encore parfois et nous laisse...étonnés, dépités ou même honteux.
      C'est un poème trop manichéiste à mon goût, il y manque, comme dit K du mystère aussi; à nous d'y ajouter toutes les nuances personnelles...
      Beau weekend Lily, le soleil est revenu mais il fait bien froid.

      Supprimer
  17. Oh comme ces et ses mots me bousculent... jusqu'aux larmes, moi qui arrive à une nouvelle aube, ou bientôt un coucher de soleil...
    J'aurai besoin d'agiter la sonnette, voire même l'alarme.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Lou, jouer les équilibristes, entre deux âges, s'improviser parfois.
      Mais parler de coucher de soleil, c'est vraiment un peu tôt, non? oui!
      Belle soirée, un beso.

      Supprimer
  18. Je ne savais pas que Pablo Neruda était un indécis... alors qu'en amour il semble bien fonceur :-)

    Un peu de confusion fait du bien, une vie et une personnalité trop balisées sont bien dangereuses, à la merci d'un accès de vérité!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Comme tu dis Edmée! je n'ai pas trouvé la date du poème, peut-être était-il encore jeune et maladroit? ou très vieux et idem? :-))

      Sans verser dans les extrêmes si possible, les limites peu définies me conviennent parfaitement aussi!
      Beau weekend Edmée, bien froid ici aussi.

      Supprimer
  19. La confusion est au rendez-vous de l'absence des brouillons de vie; là est le nœud qui nous oblige à être dans l'urgence, dans l'interrogation, dans l'essai des possibles, dans la lecture multiple du temps qui passe sans aménité.
    référence en effet à Andrée Chedid, Pablo Neruda mais aussi au je, jeu de miroirs grossissants, réfléchissants et si embrumés parfois.
    Beau parcours du panneau indicateur de réflexion menant à la poésie, voire à la philosophie.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'absence de brouillons de vie...avoir la possibilité de refaire le chemin, tu as raison, de corriger et aussi de retomber sans doute dans les mêmes ou d'autres travers! ce moi parfois confus, embrumé comme tu dis joliment.

      Merci pour ces pensées Maïté, bonne journée!

      Supprimer