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30 août 2020

Chercher, rêver / Buscar, soñar

 Deux courts poèmes de la même poétesse Uruguayenne, Idea VIlariño.


Recherche...

Nous cherchons

chaque nuit

avec effort

entre des terres lourdes et asphyxiantes

ce léger oiseau de lumière

qui brûle et nous échappe

dans un gémissement.

(Trad:Colo)

 

 Joan Miró Femmes et oiseaux à la lumière de la lune / Mujeres y pájaros a la luz de la luna


Buscamos...

Buscamos
cada noche
con esfuerzo
entre tierras pesadas y asfixiantes
ese liviano pájaro de luz
que arde y se nos escapa
en un gemido.

 

 

Où le rêve accompli…

Où le rêve accompli

et où l’amour fou

que tous

ou certains

toujours

derrière le masque serein

demandons à genoux

(Trad:Colo)

Marc Chagall Anniversaire /Cumpleaños

                 Marc Chagall Anniversaire / Cumpleaños

 

Dónde el sueño cumplido...

Dónde el sueño cumplido
y dónde el loco amor
que todos
o que algunos
siempre
tras la serena máscara
pedimos de rodillas


23 août 2020

Été - Verano

 

Idea Vilariño, Uruguay 1920-2009

Comparaison


Comme sur la plage vierge
le vent plie
le mince roseau vert
qui dessine
dans le sable un cercle délicat
ainsi en moi
le souvenir de toi.*


https://www.bojardin.fr/article/oyat-ammophila-arenaria

 

Comparación

Como en la playa virgen
dobla el viento
el leve junco verde
que dibuja
un delicado círculo en la arena
así en mí
tu recuerdo.

* 9 poèmes d’Idea Vilariño, traduits en français par Eric Sarner. Ultime anthologie. La Barque, 2017

19 août 2020

Entre réel et imaginaire / Entre realidad e imaginario

 

Tous les romans de Juan Marsé, décédé il y a peu, sont situés dans l’après-guerre civile mais en période franquiste.

Pour qui aime la fantaisie, l’imaginaire mêlé de réel Des lézards dans le ravin est un bijou. 


 

Une famille pauvre aux alentours de Barcelone, le père qui s’est enfui par le ravin situé derrière la maison à l’arrivée de la police, un inspecteur qui le recherche et s’amourache de la femme enceinte du fugitif, - “la rousse” -, le fils de 14 ans qui a une imagination débordante et adore sa mère, le petit chien en très mauvais état, et l’embryon qui raconte l’histoire!

Un rythme soutenu, une construction impeccable, des personnages solides et originaux.

Je vous propose deux extraits, le premier illustre l’imagination débordante du gamin.

Le second la pauvreté dans ce qu’elle a de plus réel.

1) Dialogue entre l'inspecteur et le gamin affabulateur

"- Ne me fais pas perdre mon temps, garçon. Tu m’as arrêté pour me dire quelque chose d’important au sujet de Mme Bartra. Allez, je t’écoute.

Je ne sais pas si c’est important. Mais je sais que vous, ça vous intéresse…

De quoi s’agit-il ? Allons.

Ne me harcelez pas, hein, j’ai tout un bois de chardonnerets dans l’oreille… Mais bon, je vais vous dire. Figurez-vous que ma mère a appris que mon père a remonté le Nil en compagnie du lieutenant Harry Faversham, c’était la semaine dernière, ils étaient tous les deux déguisés en indigènes de la tribu Shangali. Comme vous devez le savoir, tous les flics de la terre le savent, les Shangali ne peuvent pas parler, ils sont muets parce qu’on leur a coupé la langue par ordre du Calife, et c’est pour ça qu’ils portent une marque de feu sur le front. Bon, alors avec leurs plumes blanches dans leur sacoche et morts de soif, à l’heure qu’il est mon père et le lieutenant Faversham doivent traverser le désert pour rejoindre l’armée anglo-égyptienne du général Kitchener, qui progresse irrésistiblement vers Khartoum…

Ça va comme ça, garçon. Tu vas finir par me les gonfler."

 

2) La vie quotidienne:

Le vieux moulin à café. La graisse de porc qui fond dans la poêle, et tant d’autres choses avec leur étrange vocation du camouflage, leur penchant obstiné à se trouver là où elles ne doivent pas : les morceaux de sucre dans la saucière ébréchée, les lentilles dans une boîte à biscuits, les patates dans une cuvette en zinc, l’ail dans une boîte de cacao.

 La pauvreté, souviens-toi, mon frère, notre fidèle compagne de ces années-là, celle que la rouquine a assumée avec tant de courage et contre laquelle elle n’a jamais râlé, la pauvreté aux mille visages qui se manifeste de mille manières, cela signifie aussi, ne l’oublie pas, qu’en dépit de la propreté et de l’ordre qu’elle impose autour d’elle avec la plus grande prestesse et la plus grande énergie, les choses ne semblent jamais à leur place, elles sont toujours ici ou là, à occuper avec une insidieuse obstination la place qui jadis revenait à d’autres. 

Et pourtant, au milieu de leur apparent égarement, ainsi disposé dans ce monde aux apparences précaires, aucun de ces objets n’a été dépouillé de son identité, au contraire, ils semblent plus proches et plus nécessaires et leur fréquentation plus cordiale, tout comme l’image brûlée et floue du pilote, qui fut un jour là où il devait être avec les souvenirs les plus intimes peut-être et les mieux gardés de maman, et qui aujourd’hui, bien longtemps après avoir promené son impertinent sourire sur la couverture d’une revue allemande éditée en espagnol, se montre aimablement sur le mur de la chambre d’un adolescent rêveur, dans un coin perdu du Guinardó.

PS: Je vous recommande également “ Teresa l’après-midi” de Juan Marsé.

Como todas las novelas de Juan Marsé, “Rabos de lagartija” está situada en la posguerra.

A quien le gusta la fantasía, lo imaginario mezclado de realidad, esta novela es una joya.

Una familia pobre en los alrededores de Barcelona, el padre que ha escapado de la policía por el barranco detrás de la casas, un inspector que le busca y se enamora de la mujer embarazada del fugitivo, el hijo de 14 años que tiene una imaginación sin limites y adora a su madre, un perrito en muy mal estado y el embrión que cuenta la historia!

Un ritmo sostenido, una construcción impecable, personajes sólidos y originales.

Os propongo dos párrafos, el primero ilustra la fantasía del chico, el segundo la pobreza en lo que tiene de más real.

1) El inspector con el chico

No me hagas perder el tiempo, muchacho. Me has parado para contarme algo importante de la señora Bartra. Adelante, te escucho.

No sé si es importante. Pero sé que a usted le interesa...

A ver, de qué se trata. Venga.

No me atosigue, oiga, que tengo un bosque de jilgueros metido en el oído... Pero bueno, le cuento. Resulta que mi madre ha sabido que papá estuvo remontando el río Nilo en compañía del teniente Harry Faversham, fue la semana pasada, iban los dos disfrazados de nativos de la tribu Shangali. Como usted ya debe saber, lo saben los polis de todo el mundo, los Shangali no pueden hablar, son mudos porque les cortaron la lengua por orden del Califa, y por eso llevan una marca de fuego en la frente. Bueno, pues con sus plumas blancas en la cartera y muertos de sed ahora mismo mi padre y el teniente Faversham ya deben estar cruzando el desierto para unirse al ejército anglo-egipcio del general Kitchener, que avanza imparable hacia Jartum...

Ya vale, chico. Acabarás por hincharme las pelotas.

2) la vida cotidiana

 

El viejo molinillo de café. La grasa de cerdo fundiéndose en la sartén, y tantas otras cosas con su extraña vocación de camuflaje, su terca propensión a estar donde no deben: los terrones de azúcar en la salsera desportillada, las lentejas en una caja de galletas, los boniatos en un barreño de zinc, los ajos en un bote de cacao. 

La pobreza, acuérdate, hermano, nuestra fiel compañera de estos años, la que asumió con tanto coraje la pelirroja y contra la que nunca despotricó, la pobreza que tiene mil caras y se manifiesta de mil maneras, también significa eso, acuérdate: que a pesar de la limpieza y el orden que ella impone a su alrededor con la mayor presteza y energía, las cosas nunca parecen estar en su sitio, andan siempre por ahí ocupando con una porfía insidiosa el lugar que un día correspondió a otras. 

Y sin embargo, en medio de su aparente extravío, así dispuestos en su mundo de precarias apariencias, ninguno de esos objetos ha sido despojado de su identidad, al contrario, parecen más próximos y necesarios y su trato más cordial, lo mismo que la imagen chamuscada y borrosa del piloto, que un día estuvo donde le correspondía juntamente con los recuerdos acaso más íntimos y mejor guardados de mamá, y que hoy, mucho después de haber paseado su impertinente sonrisa por las portadas de una revista alemana editada en español, se asoma amigablemente al dormitorio de un adolescente soñador en un remoto paraje del Guinardó.




12 août 2020

Les yeux de ma mère / Los ojos de mi madre



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Los ojos de mi madre lloraban hacia adentro”

"Les yeux de ma mère pleuraient vers l'intérieur"

 

Les premières pages de ce roman effraient un peu le lecteur. Le protagoniste est odieux et ses sentiments, cette attitude défiante d’un adolescent envers sa mère semblent exagérés. Il nous manque énormément d’informations au début ; en de courts chapitres superbement écrits, l’auteure nous mène peu à peu vers un renversement émouvant. Un récit dur et terriblement attachant.

Las primeras páginas de esta novela asustan un poco al lector. El protagonista es odioso y sus sentimientos parecen una parodia de una actitud desafiante y exagerada de un adolescente hacia su madre. Nos falta muchísima información al principio; en capítulos cortos, magníficamente escritos, la autora nos lleva poco a poco hacia un vuelco conmovedor. Un relato duro y profundamente entrañable.


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« Ce matin-là, alors que je la haïssais plus que jamais, maman venait d’avoir trente-neuf ans. Elle était petite et grosse, bête et laide. C’était la maman la plus inutile de toutes celles qui ont jamais existé. Je la regardais par la fenêtre, plantée comme une mendiante à la porte de l’école. Je l’aurais tuée rien que d’y penser. »

Aquella mañana en que la odiaba más que nunca, mi madre cumplió treinta y nueve años. Era bajita y gorda, tonta y fea. Era la madre más inútil que haya existido jamás. Yo la miraba desde la ventana mientras ella esperaba junto a la puerta de la escuela como una pordiosera. La habría matado con medio pensamiento.”

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À ce moment je sentis-de façon douloureuse et fulminante- que grâce à ce blanc je ne la haïssais plus autant. Que la robe qu’elle portait ce matin l’avait sauvée, (…) Quand je sortis de la salle de bains, humide et effrayé, j’avais perdu la guerre. Ma haine envers ma mère, quoique pas totalement disparue, avait séché et une croûte la couvrait, comme la croûte qui couvre en trois jours toutes les blessures des personnes et en un seul jour celles des chiens”.

En aquel momento sentí-de forma dolorosa y fulminante- que gracias a ese blanco no la odiaba ya tanto. Que el vestido que llevaba esa mañana le había salvado, (…) Cuando salí del baño, húmedo y asustado, había perdido la guerra. Mi odio hacia mi madre, aunque no había desaparecido del todo, se había secado y lo cubría una costra, como la costra que cubre en tres días todas las heridas de las personas y en un solo día las de los perros.”


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Il ne restait rien de mon ancienne mère, mais je ne savais pas non plus qui j’étais moi, qui j’avais été ni ce qui nous arrivait. Dans mon for intérieur j’étais sûr que, d’une manière ou d’une autre, la fin était proche, car tant de bonheur n’est concédé qu’aux enfants ou aux mourants.

Entre-temps.

Je pris une libellule et passai toute la journée avec elle.

Je comptai les grains de maïs d’une rangée de maïs.

Je bus de l’eau de pluie.

J’aidai un papillon à naître.”

(Trad:Colo)

 

No quedaba nada de mi antigua madre, pero tampoco sabía quien era yo, quién había sido ni qué pasaba con nosotros. En mi fuero interno estaba seguro de que, de una manera u otra, el final estaba cerca, porque tanta felicidad solo se les concede a los niños o a los moribundos.

Entretanto.

Cogí una libélula y pasé todo el día junto a ella.

Conté los granos de maíz de una hilera de maíz.

Bebí agua de lluvia.

Ayudé a una mariposa a nacer”


 

 

Ref: en español   Tatiana Tibuleac

       en français:   Tatiana Tibuleac

7 août 2020

La musique n'est pas indiscrète / La música no es indiscreta

 Durant ce mois d'août je publierai des extraits de romans que j'ai aimés. 

Durante este mes de agosto, publicaré extractos de novelas que me han gustado.

 


...tout silence n’est fait que de paroles qu’on n’a pas dites. C’est pour cela peut-être que je devins un musicien. Il fallait quelqu’un pour exprimer ce silence, lui faire rendre tout ce qu’il contenait de tristesse, pour ainsi dire le faire chanter. Il fallait qu’il ne se servît pas des mots, toujours trop précis pour n’être pas cruels, mais simplement de la musique, car la musique n’est pas indiscrète, et, lorsqu’elle se lamente, elle ne dit pas pourquoi. Il fallait une musique d’une espèce particulière, lente, pleine de longues réticences et cependant véridique, adhérant au silence et finissant par s’y laisser glisser. Cette musique, ç'a été la mienne. Vous voyez bien que je ne suis qu’un exécutant, je me borne à traduire. Mais on ne traduit que son trouble : c’est toujours de soi-même qu’on parle.”

Marguerite Yourcenar, Alexis ou le traité du vain combat  (cliquez et vous pourrez en lire la préface et le début)

 

 

...todo silencio está hecho de palabras que no se han dicho. Quizás por eso me hice músico. Era necesario que alguien expresara aquel silencio, que le arrebatara toda la tristeza que contenía para hacerlo cantar. Era preciso servirse para ello, no de palabras, siempre demasiado precisas para no ser crueles, sino simplemente de la música, porque la música no es indiscreta y cuando se lamenta no dice por qué. Se necesitaba una música especial, lenta, llena de largas reticencias y sin embargo verídica, adherida al silencio para acabar por meterse dentro de él. Esa música ha sido la mía. Ya ves que no soy más que un intérprete, me limito a traducir. Pero sólo traducimos nuestras emociones: siempre hablamos de nosotros mismos.”

M. Yourcenar, Alexis o el tratado del inútil combate

 

3 août 2020

Le moustique / El mosquito

Pensée et poème, ces mots de DH Lawrence aujourd’hui pour toutes les victimes de ce petit vampire qui, c’est vrai, affiche clairement ses intentions, lui...

Pensamiento y poema, esas palabras de DH Lawrence para todas las víctimas de ese pequeño vampiro que, es cierto, muestra, él, claramente sus intenciones...

Le moustique sait


Le moustique sait fort bien,
si petit soit-il
qu'il est bête de proie.
Mais après tout
il ne fait que se remplir le ventre
et ne met pas mon sang à la banque.

 D.H Lawrence, Pensées

                          

                                                  https://vsemart.com/



El mosquito sabe.
D.H. Lawrence (1885-1930)

El mosquito sabe muy bien,
así de pequeño como es,
que su esencia es el arrebato.
Porque después de todo
él sólo se lleva su festín,
no deposita mi sangre en el banco.



The mosquito knows full well, small as he is
he's a beast of prey.
But after all
he only takes his bellyful,
he doesn't put my blood in the bank.

D.H. Lawrence (1885-1930)