Pages

25 avr. 2020

Vite! / ¡Rápido!


Serge Pey, né à Toulouse en 1950 de parents espagnols ayant fui le régime de Franco.
Nacido en Toulouse en 1950 de padres españoles, refugiados del régimen franquista.

Le trésor de la Guerre d’Espagne


Extraits de : Le linge et l’étendoir.

(Pour bien comprendre ces extraits il vous faut savoir que le linge était un signal pour les anti-franquistes cachés dans la montagne.)

Les voisins pensaient que ma mère était folle. Comment comprendre qu’elle étendait parfois le linge sur l’étendoir ou dans le champ, à même l’herbe, ou encore sur les branches des arbres ? Comment concevoir qu’elle le posait souvent à l’ombre ou en plein vent, maintenu par de gros cailloux, comme les points de ponctuation d’une phrase secrète?” 

_____________________________

“—Vite, enlève ta chemise et va l’étendre sur l’étendoir, ramène le linge qui reste. Vite… Dépêche-toi…
Je compris sa précipitation quand je vis, depuis notre jardin qui surplombait la route, une longue file de camions bleus de la gendarmerie.
Ainsi ma chemise faisait partie, elle aussi, d’une longue phrase. Elle était une lettre, peut-être un mot. J’étais fier. J’étais devenu une conjugaison, presque un verbe. J’existais dans le langage secret de ma mère, comme un mot important qu’elle n’avait encore jamais employé, puisque c’était la première fois qu’elle voulait laisser ma chemise seule sur l’étendoir. “

NB: Pour lire le magnifique chapitre entier “Le linge et l’étendoir”, c’est ici.
- Ce billet est réalisé "à quatre mains" avec Adrienne et sa traduction en néerlandais, passez chez elle!  
https://adrienne414873722.wordpress.com/2020/04/26/v-comme-vite-vlug

 




Dos extractos de La ropa y el tendedero

(Para entender estas lineas, hay que saber que la ropa era una señal de la madre para los anti-franquistas escondidos en la montaña)


Los vecinos pensaban que mi madre estaba loca. ¿Cómo entender que extendía la ropa a veces en el tendedero o en el campo, sobre la hierba, o en las ramas de los árboles? ¿Cómo concebir que a menudo la ponía en la sombra o al viento abierto, sostenido por unas piedras gordas, como los signos de puntuación de una frase secreta?”

_____________________________

-Rápido, quitate la camisa y ve a tenderla en el tendedero, trae la ropa que queda. Rápido...Date prisa.
Entendí su precipitación cuando vi, desde nuestro jardín que sobresalía de la carretera, un fila larga de camiones azules de la guardia civil.
Así mi camisa formaba parte, ella también, de una frase larga. Era una letra, tal vez una palabra. Estaba orgulloso. Me había convertido en una conjugación, casi un verbo. Yo existía en el lenguaje secreto de mi madre, como una palabra que, todavía, nunca había usado, ya que era la primera vez que quería dejar mi camisa sola en el tendedero.”
(Trad: Colo)

26 commentaires:

  1. Réponses
    1. Très envie, je me demandais si tu connaissais Serge Pey qui est surtout poète ai-je lu.

      Supprimer
  2. Je suis allée en voir un peu plus sur le livre de Serge Pey et c'est très tentant. Bon dimanche Colo.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je l'ai commandé, mais je suis déjà sûre que c'est vraiment très bien.
      je m’en vais chez toi illico pour notre rendez-vous du dimanche.

      Supprimer
  3. c'est un vrai plaisir de traduire un texte comme celui-là :-)
    c'est chouette de faire la pub pour les éditions Zulma!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai découvert hier, car je ne connais pratiquement pas cet éditeur Zulma, que sur son site on peut lire de longs extraits de pas mal de livres, c'est extra!
      Bon dimanche Adrienne.

      Supprimer
  4. Merci vraiment Colo pour ce magnifique texte.

    RépondreSupprimer
  5. Merci pour le lien vers ce beau chapitre, je vais faire un tour chez Adrienne voir quel linge elle a accroché au fil. Bon dimanche, dame Colo.

    RépondreSupprimer
  6. "Ses linges, éparpillés dans la cabane, sont toujours des lettres inconnues, pour que le ciel, à travers la fenêtre, puisse continuer à lire.", c'est si joliment écrit, avec tendresse, poésie et lucidité.
    Il semble qu'il y ait chez Serge Pey le bonheur de conter qui fait les grands auteurs, je prends note de ce "Zulma". Merci, beau soleil ici.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Christian, comme vous j'ai ressenti ce bonheur de conter, je viens d'ajouter une vidéo où il lit lui-même son récit, sa voix, son accent sonnent si bien à l'oreille.
      Beau soleil ici aussi, le linge sèche au vent...

      Supprimer
  7. J'imagine la fierté de ce petit bonhomme, sa chemise fait partie de la grande histoire.
    Merci Colo pour cette découverte, une fraicheur dans l'écriture malgré l'époque tragique. Je note aussi. Bon dimanche à toi et un "besos" ! Claudie.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, Claudie, elle fait partie de l'alphabet de sa mère sa chemise!
      Je lirai le livre et ses différents récits, j'ignore donc si les autres ont un ton plus tragique, mais j’imagine, l'auteur étant né en France, qu'il rapporte là des histoires que lui ont racontées ses parents, et/ou grands-parents.
      Bonne fin de journée!

      Supprimer
  8. Comme quoi, des choses toutes simples du quotidien se transformaient en signe de lutte. C'est très beau et cela me donne envie de lire plus avant. Merci pour cette découverte. Bises alpines... de loin.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Moi aussi j'ai envie d'en lire plus, c'est commandé et je vous en dirai plus.
      Besos Mediterraneos!

      Supprimer
  9. Ah c'est fascinant... je n'avais pas lu ta petite phrase qui explique en début d'extraits, et étais perplexe, et puis... Bingo! Tout est clair, à présent... Et passionnant!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Découverte d'un grand conteur, ce qui nous ravit bien sûr!

      Supprimer
  10. fascinant texte, et tellement vrai - ici durant une période terrible, mais arrive également en d'autres moments, juste de la vie ordinaire. Je pense que nous avons tous ce genre de souvenirs - Merci Colo

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aimerais tant savoir écrire et raconter ainsi...toi pas?
      besos Oli.

      Supprimer
  11. Quelle belle langue ici "inventée" dans des moments de lutte, cet extrait est magnifique, touchant par sa belle humanité et sa poésie. Ceux que l'on prend pour des fous, les gens humbles et simples, ne nous montrent-ils pas là une inventivité, une générosité et une sagesse qui méritent réflexion ? Merci Colo pour cet extrait, le titre de ce livre a rejoint mon magique carnet. Merci aussi pour tes si gentils mots déposés "chez moi"... Douce journée à toi, bises ensoleillées. brigitte

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Des signes, des vêtements comme des sémaphores...Avec plaisir Brigitte, grand soleil ici aussi.

      Supprimer
  12. Très beau chapitre, et allez savoir pourquoi j'avais deviné d'emblée le code du linge, j'ai juste vérifié après avec ta phrase en tout petit!
    Merci !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir K, bravo alors! Ce monsieur semble plus connu pour ses poèmes que pour ses récits. En avais-tu entendu parler avant?

      Supprimer
    2. Grâace à toi je vais chercher, car je ne le connais pas !

      Supprimer
  13. J'adore ce petit texte. Bravo, bisous

    RépondreSupprimer