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6 mars 2020

E. Cardenal, le Seigneur et Marylin / E. Cardenal, el Señor y Marylin


D'abord quelques données biographiques...Ernesto Cardenal est né dans une famille de propriétaires et commerçants aisés, en 1925, à Granada, au Nicaragua, son enfance fut heureuse. Le Nicaragua est alors déchiré par une guerre civile entre libéraux et conservateurs. Les États-Unis sont, on le sait, intervenus plus d’une fois pour soutenir les conservateurs.
En 1937, à l’âge de douze ans, Ernesto Cardenal entre comme interne au collège des jésuites puis il fait des études de philosophie et de littérature à l’Université Mexico, puis à la Columbia University à New York.
En 1954, de retour au Nicaragua, il participe à la Révolution d’Avril contre le dictateur Anastasio Somoza. Une grande  pauvreté règne alors dans le pays. Mais cette révolution est un échec et Cardenal entre dans la clandestinité puis, en 1956, il s’exile.
L’histoire dit que le samedi 2 juin 1956, il est « terrassé » par une expérience mystique, voilà une date bien précise! Il entre dans un monastère trappiste et publie des poèmes d’amour, des épigraphes...
En 1965 Cardenal, est ordonné prêtre au Nicaragua, à Managua. Commencent alors, ce qui nous intéresse pour la suite, ses premiers écrits sur la Théologie de la Libération dont on parlera dans le prochain billet.

(Biografía en español aquí
 
Voici un long poème très connu en espagnol, étonnant quant au sujet.  Très long, mais facile à lire, comme une histoire, une prière.
E. Cardenal disait “La poésie doit être au service de l’Homme”, ici Marylin. 



Oraison pour Marylin Monroe (1965)
 Ernesto Cardenal


Seigneur
reçois cette fille connue sur la Terre entière sous le nom de Marylin Monroe,
bien que ce ne soit pas son vrai nom
(mais Tu connais son vrai nom, celui de la petite orpheline violée à 9 ans et petite employée de magasin qui voulut se tuer à 16 ans)
et maintenant qu’elle se présente devant Toi sans aucun maquillage
sans son Agent de Presse
sans photographes et sans signer d’autographes
seule comme un astronaute face à la nuit spatiale.

Elle rêva, enfant, qu’elle était nue dans une église (selon ce que raconte le Times)
devant une multitude prosternée, tête contre le sol,
et elle devait marcher sur la pointe des pieds pour éviter les têtes.
Tu connais nos rêves mieux que les psychiatres.
Église, maison, grotte, sont la sécurité du sein maternel
mais quelque chose de plus aussi…

Les têtes sont les admirateurs, bien sûr
(la masse de têtes dans l’obscurité sous le flot de lumière).
 Mais le temple ce ne sont pas les studios de la 20th Century-Fox.

Le temple- de marbre et or- est celui de son corps
dans lequel se trouve le fils de Homme un fouet à la main
expulsant les marchands du 20th Century-Fox
qui transformèrent Ta maison de prière en repère de voleurs.

Seigneur
dans ce monde contaminé par les péchés et la radioactivité,
Tu ne culpabiliseras pas seulement une petite employée de magasin
qui, comme toute employée de magasin rêva d’être une star de cinéma.

Et son rêve devint réalité ( mais comme la réalité du technicolor).

Elle ne fit qu’agir selon un script que nous lui avions donné,
celui de nos propres vies, et c’était un script absurde.

Pardonne-la, Seigneur, et pardonne-nous
pour notre 20th Century
pour cette colossale Super-Production dans laquelle nous avons tous travaillé.
Elle avait faim d’amour et nous lui avons offert des tranquillisants.
Contre la tristesse de ne pas être des saints
on lui recommanda la Psychanalyse.

Rappelle-toi Seigneur sa crainte grandissante de la caméra
et la haine du maquillage malgré son insistance à se maquiller à chaque scène.
Et comment grandirent l’horreur et
le manque de ponctualité aux studios.

Comme toute petite employée de magasin
elle rêva d’être vedette de cinéma.

Et sa vie fut irréelle comme un rêve qu’un psychiatre interprète et archive.
Ses histoires d’amour furent un baiser les yeux fermés
qui, quand les yeux s’ouvrent
fait découvrir que ce fut sous les projecteurs.
Mais les projecteurs s’éteignent!

(…)
Le film termina sans le baiser final.

On la trouva morte au lit, la main sur le téléphone.

Et les détectives ne surent qui elle allait appeler.

Ce fut comme quelqu’un qui a marqué le numéro de la seule voix amie
et n’entend que la voix d’un disque qui lui dit: WRONG NUMBER.
Ou comme quelqu’un blessé par les gangsters
qui allonge la main vers un téléphone déconnecté.

Seigneur
Qui qu’ait été la personne qu’elle allait appeler
et n’appela pas (et peut-être n’était-ce personne
ou quelqu’un dont le numéro n’est pas dans l’annuaire des Anges)

Réponds, Toi, au téléphone!
 
(Trad:Colo)

Oración por Marylin Monroe

Señor
recibe a esta muchacha conocida en toda la Tierra con el nombre de Marilyn Monroe,
aunque ése no era su verdadero nombre
(pero Tú conoces su verdadero nombre, el de la huerfanita violada a los 9 años
y la empleadita de tienda que a los 16 se había querido matar)
y que ahora se presenta ante Ti sin ningún maquillaje
sin su Agente de Prensa
sin fotógrafos y sin firmar autógrafos
sola como un astronauta frente a la noche espacial.

Ella soñó cuando niña que estaba desnuda en una iglesia (según cuenta el Times)
ante una multitud postrada, con las cabezas en el suelo
y tenía que caminar en puntillas para no pisar las cabezas.
Tú conoces nuestros sueños mejor que los psiquiatras.
Iglesia, casa, cueva, son la seguridad del seno materno
pero también algo más que eso…
Las cabezas son los admiradores, es claro
(la masa de cabezas en la oscuridad bajo el chorro de luz).
Pero el templo no son los estudios de la 20th Century-Fox.
El templo —de mármol y oro— es el templo de su cuerpo
en el que está el hijo de Hombre con un látigo en la mano
expulsando a los mercaderes de la 20th Century-Fox
que hicieron de Tu casa de oración una cueva de ladrones.


Señor
en este mundo contaminado de pecados y de radiactividad,
Tú no culparás tan sólo a una empleadita de tienda
que como toda empleadita de tienda soñó con ser estrella de cine.
Y su sueño fue realidad (pero como la realidad del tecnicolor).
Ella no hizo sino actuar según el script que le dimos,
el de nuestras propias vidas, y era un script absurdo.
Perdónala, Señor, y perdónanos a nosotros
por nuestra 20th Century
por esa Colosal Super-Producción en la que todos hemos trabajado.
Ella tenía hambre de amor y le ofrecimos tranquilizantes.
Para la tristeza de no ser santos
se le recomendó el Psicoanálisis.

Recuerda Señor su creciente pavor a la cámara
y el odio al maquillaje insistiendo en maquillarse en cada escena
y cómo se fue haciendo mayor el horror
y mayor la impuntualidad a los estudios.
Como toda empleadita de tienda
soñó ser estrella de cine.
Y su vida fue irreal como un sueño que un psiquiatra interpreta y archiva.
Sus romances fueron un beso con los ojos cerrados
que cuando se abren los ojos
se descubre que fue bajo reflectores
¡y se apagan los reflectores!
(...)
La película terminó sin el beso final.
La hallaron muerta en su cama con la mano en el teléfono.
Y los detectives no supieron a quién iba a llamar.
Fue como alguien que ha marcado el número de la única voz amiga
y oye tan solo la voz de un disco que le dice: WRONG NUMBER.
O como alguien que herido por los gángsters
alarga la mano a un teléfono desconectado.
Señor:
quienquiera que haya sido el que ella iba a llamar
y no llamó (y tal vez no era nadie
o era Alguien cuyo número no está en el Directorio de los Ángeles)
¡contesta Tú al teléfono!
Ernesto Cardenal


24 commentaires:

  1. une touchante oraison (et il a bien raison, je trouve, elle en a subi, des violences)

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  2. Une prière pour Marylin très inattendue, curieuse d'en apprendre plus sur ce prêtre-poète.

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    1. J'ai pensé qu'il a pris cette figure si connue pour représenter tous les pauvres, qu'il a défendus toute sa vie, devant le Seigneur qui semble les abandonner. Le ton va de la demande d'accueil et des accusations à peine voilées. Enfin c'est ce que j'y ai vu.
      La suite très bientôt.
      Bon week-end Tania.

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  3. Je l'aime bp. Bisous et bon we

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    1. Bon week-end Val et encore bravo pour ces oiseaux-radis absolument superbes.

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  4. C'est poignant ; je n'aurais jamais pensé qu'il avait fait un poème pour Marylin. Bon week-end Colo.

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    1. Elle représente je crois tant gens, de filles (et garçons) pauvres attirés par toutes ces rêves que la société, nous tous comme il dit, leur fait miroiter. C'est fort et poignant, c'est vrai.
      Bon week-end Aifelle, à demain chez toi.

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  5. c'est une ode magnifique à une femme hors du commun pour qui souffrance est le maitre mot

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    1. C'est la plus connue, pas la seule hélas.
      Bon dimanche Dominique.

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  6. Tellement vrai, tellement beau, tellement triste. Combien d'autres personnes, moins connues, sont mortes comme elle d'un manque d'amour.

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    1. L'amour est la clé, tu as raison, enfin son manque.

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  7. Extrêmement émouvant ce texte sur Marylin qui a été si bafouée dans sa vie.
    Beaucoup de respect pour elle dans le texte du prêtre-poète....
    Merci Colo , je te souhaite un beau dimanche.

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    1. Je l'ai trouvé délicat, moi aussi. Et émouvant.
      Bon dimanche à toi aussi, ici paella familiale:-)

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  8. magnifique cet oraison, il faut dire que j'ai énormément d'admiration et d'affection pour marilyn monroe

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    1. Une prière que nous touche, c'est sûr Niki. Pour Marylin et cette starisation de pauvres gens...

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  9. Quelle belle oraison, trouver les mots pour honorer une personne qui est allée rejoindre l'invisible est une tâche ardue. Ce textes est beau et généreux, pauvre Marilyn, enfin de douces phrases vers elle. Merci Colo, lumineuse semaine à toi. brigitte

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    1. Pauvre et fragile, elle méritait autre chose dans la vie, c'est sûr.
      Le poète a pesé ses mots qui sont délicats.
      Bonne semaine Brigitte

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  10. Ce poème oraison est très étonnant et émouvant. Il était sans doute là, en toute humilité, au plus près de la Bible, en se penchant sur ce destin brisé, bâti sur tant de souffrance. j'en aime beaucoup la fin aussi. Elle affiche un sacré clin d'œil.

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    1. Tu parles du clin d'oeil! Si sa foi n'a jamais été entamée, ses rapports avec l'Église par contre...tu verras dans le prochain billet.

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  11. Émouvante, touchante oraison pour Marylin par le théologien poète.
    Il relève l'image fragile d'une femme et révèle le vrai besoin d'une vie.

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    1. Au départ je ne pensais pas le publier, un peu long, mais finalement c'était bien.
      merci Fifi, un besito

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  12. Emouvant, très. Un triste destin que celui de Marylin mais qui retrouve un peu de superbe dans ce poème. Merci Colo. Bises alpines.
    P.S. si le 20ème était ainsi, qu'en est-il du 21ème? ...

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    1. On ne peut que trembler Dédé pour tous ces jeunes, des étoiles pleins les yeux..
      Bonne semaine, à l'abri! Un beso

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