Pages

16 août 2018

Tourne, mon coeur / Gira, corazón


Aujourd’hui un poème de Lorca; sous sa plume une superbe envolée d’images qui lui viennent en s’adressant à une girouette.

J’espère qu’en traduction- français vous arriverez à percevoir le rythme et la

 beauté qui en ressortent.


http://www.forging-ahead.co.uk/windvane.htm


Girouette
Federico Garcia Lorca



Vent du Sud,
brun, ardent,
ton souffle sur ma chair
apporte un semis de regards
brillants et le parfum
des orangers.
Tu fais rougir la lune
et sangloter
les peupliers captifs, mais tu arrives
trop tard!
J'ai déjà enroulé la nuit de mon histoire
sur l'étagère!
Même sans vent,
crois-moi!
Tourne, mon cœur,
tourne, mon cœur.

Vent du nord,
ours blanc du vent!
Tu souffles sur ma chair,
tout frissonnant d'aurores
boréales,
avec ta traîne de spectres
capitaines,
et riant de Dante
aux éclats.
Ô polisseur d'étoiles!
Mais tu arrives trop tard.
L'armoire est vermoulue
et j'ai perdu la clé.
 
Même sans vent,
crois-moi!
Tourne, mon cœur,
tourne, mon cœur.


Brises, gnomes et vents
venus de nulle part.
Moustiques de la rose
pétales en pyramides.
Vents alizés sevrés
parmi les rudes arbres,
flûtes dans la bourrasque,
laissez-moi!
De lourdes chaînes ancrent
mes souvenirs,
et captif est l’oiseau
qui dessine le soir
de ses trilles.
 
Les choses qui s'en vont jamais ne reviennent,
tout le monde le sait,
et dans la foule des vents
il est vain de se plaindre.
 
N'est-ce pas, peuplier, maître de la brise?
Il est vain de se plaindre!
Même sans vent,
crois-moi!
Tourne, mon cœur,
tourne, mon cœur.
Juillet 1920
 
Fuente Vaqueros, Grenade.
(Trad:Colo)

Veleta



Federico García Lorca

Viento del Sur,
moreno, ardiente,
llegas sobre mi carne,
trayéndome semilla
de brillantes
miradas, empapado
de azahares.
Pones roja la luna
y sollozantes
los álamos cautivos, pero vienes
¡demasiado tarde!
¡Ya he enrollado la noche de mi cuento
en el estante!
Sin ningún viento,
¡hazme caso!,
gira, corazón;
gira, corazón.
Aire del Norte,
¡oso blanco del viento!
Llegas sobre mi carne
tembloroso de auroras
boreales,
con tu capa de espectros
capitanes,
y riyéndote a gritos
del Dante.
¡Oh pulidor de estrellas!
Pero vienes
demasiado tarde.
Mi almario está musgoso
y he perdido la llave.
Sin ningún viento,
¡hazme caso!,
gira, corazón;
gira, corazón.
Brisas, gnomos y vientos
de ninguna parte.
Mosquitos de la rosa
de pétalos pirámides.
Alisios destetados
entre los rudos árboles,
flautas en la tormenta,
¡dejadme!
Tiene recias cadenas
mi recuerdo,
y está cautiva el ave
que dibuja con trinos
la tarde.
Las cosas que se van no vuelven nunca,
todo el mundo lo sabe,
y entre el claro gentío de los vientos
es inútil quejarse.
¿Verdad, chopo, maestro de la brisa?
¡Es inútil quejarse!
Sin ningún viento.
¡hazme caso!
gira, corazón;
gira, corazón.


34 commentaires:

  1. c'est beau! et pas évident du tout à traduire!
    Tu as trouvé de très belles illustrations aussi:-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci, j'y ai passé une partie de l'été, tu sais comme c'est, on change, rechange, y pense la nuit et sous la douche:-))

      Supprimer
  2. Bonsoir Colo.
    Cadence, rythme sont beaucoup plus marqués en version originale qu'en français; Esta mucho más romántico y cantante en español.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je sais, je sais, les sons sont différents dans les deux langues. Mais, si les traductions n'existaient pas, on serait si limités!

      Supprimer
  3. Merci et bravo ! Malgré les pertes inévitables en passant d'une langue à l'autre, tu as rendu la force des images et je suis émue par la présence finale de ce peuplier, arbre du vent par excellence ! Bonne soirée, baisers sous la brise de la terrasse où je me suis installée au soleil déjà moins fort.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce peuplier, maestro de la brisa, m'a enchantée moi aussi, lui qui sait que les plaintes sont inutiles.
      Merci et bonne soirée ma belle.

      Supprimer
  4. Ta traduction sait parfaitement ces mots magnifiques : les sanglots des peupliers ! Un poème qui va rejoindre ma petite anthologie

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Dominique, j'aime beaucoup la foule des vents aussi, où qu'ils aillent.
      Bonne journée!

      Supprimer
  5. Cette traduction est très belle. Je ne connaissais pas du tout ce poème de Llorca. Je lui trouve un rythme bien adapté au Français. Merci pour le lien relatif aux girouettes. C'est drole un instant j'ai pensé que la premier était inspirée de Miro. Mais Kandinsky, oui bien sûr...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tes mots me font grand plaisir Kwarkito, merci.
      Calder, Miro, Kandinsky, tant d'artistes ont réalisé des mobiles, il y a de quoi les confondre en effet.
      Bonne journée.

      Supprimer
  6. Ca doit en effet être très difficile de traduire en maintenant le rythme et le sens autant que possible. Moi je ne saurais le lire en espagnol tout en le comprenant de manière fluide, aussi je suis heureuse de ta traduction... venteuse! Bon week-end!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tourne, tourne au vent chère Edmée. Bon week-end.

      Supprimer
  7. Quel que soit le vent, la vie est entre nos mains. Merci pour ce poème traduit qui vient des profondeurs de l'auteur et qui nous fait réfléchir sur nous-mêmes. Bon week end et merci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Que ce week-end t'apportent des vents favorables Elisabeth!

      Supprimer
  8. Je ne peux pas faire de comparaison entre les deux versions puisque je ne parle pas espagnol. C'est un poème riche en mouvements si on se laisse entraîner. "il est vain de se plaindre" dit-il ! il n'a pas tort et c'est dit avec une certaine légèreté qui rend la chose facile :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Aifelle, il faut vraiment très bien connaître une langue pour apprécier sa poésie; je le constate souvent avec l'anglais que je parle bien, mais pas du tout assez bien pour saisir les subtilités des vers...et je ne parle pas spécialement de Shakespeare:-))
      Je t'envoie des parfums du sud, par vents interposés.

      Supprimer
  9. Bonjour chère Colo, merci pour ce magnifique poème, c'est tellement beau.
    Je te souhaite un beau week-end. Bisous ♥

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Quel plaisir de te retrouver Denise, j'espère que tu vas mieux après cette longue pause.
      Bon dimanche, un beso.

      Supprimer
  10. Bonjour Colo, bravo pour la traduction (j'ai étudié la langue espagnole au lycée il y a un certain temps). C'est un très beau poème. Bonne journée.

    RépondreSupprimer
  11. Si beau et si triste ! Merci Colo !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh, de l'époque de Lorca il y a plein de poèmes bien plus déchirants que celui-ci Annie, il est "soft"! Faut dire que l'époque n'avais rien de rigolo...
      Bonne soirée Annie.

      Supprimer
  12. "chopo" et "cautivos" veulent dire tous les deux peupliers ?
    Dans les deux langues, c'est un poème magnifique. Et j'adore les girouettes que tu as choisies !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Salut Euterpe!
      Non, chopo c'est peuplier, mais cautivo veut dire captif. Par contre alamo et chopo signifient tous les deux peupliers.

      Oui, c'est un très très beau poème.
      Merci de ta visite, à bientôt!

      Supprimer
  13. Il est vain de se plaindre... oui, en effet.
    Très beau poème, les mots sont forts, ils sculptent des émotions, les illustrations sont en totale harmonie avec le propos. Merci Colo, bises ensoleillées. brigitte

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Contente de te retrouver Brigitte, toi et tes mots toujours si agréables.
      Je en sais si chez toi c'est pareil, mais les températures tournent encore autour des 32-34º ici,...je fuis le soleil!
      Bonne journée, besos

      Supprimer
  14. Ah la musique de Garcia Lorca et son langage soutenu! Heureusement que je peux à la fois profiter de ce rythme de chanson lancinante du vent dans les oliviers et les peupliers dans le texte et de tes traductions si travaillées et dont je te remercie.
    Les girouettes sont belles aussi et pour sûr, la première me replonge dans l'univers de Calder dont j'ai pu admirer récemment l'exposition de mobiles (et de stabiles).
    Un régal tout cela.
    PS: mon acupunctrice a pour nom de famille le nom du peuplier en espagnol...
    J'adore les images de l'armoire et le vent dans les peupliers, pour de vrai.J'en garde d'excellents souvenirs de la musique de leur feuillage.
    Bisessssssssssss

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Hola Maïté,

      Je reviens souvent vers Lorca qui tant me parle. En te lisant je me disais que le fait de vivre dans le sud aide sûrement à comprendre certaines images.

      La girouette de l'image est basée sur un mobile de Kandisky, mais Calder bien sûr...des créations qui nous hypnotisent quand en mouvement.

      Bonne soirée ma belle, je t'embrasse

      Supprimer
  15. Merci Colo pour ce partage, ton escarcelle contient des trésors !

    RépondreSupprimer
  16. Un vrai moment de plaisir intense que de lire ce matin ce merveilleux poème

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Avec Lorca on se trompe rarement Marie.
      Bonne journée!

      Supprimer