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15 oct. 2013

"Là où nous sommes est la lumière" / "Allí donde estamos está la luz"


 Ceci sera le dernier portrait de 7 Femmes de Lydie Salvayre.
Este será el último retrato de 7 mujeres (aún no traducido) de Lydie Salvayre.

Lui, c'est Paul Celan. De famille juive de langue allemande né en Roumanie en 1920. Ses parents sont déportés en Ukraine et y meurent. Lui est envoyé dans un camp de travail en Valachie puis retourne en 1944 en Bucovine à nouveau occupée par les Russes. Il y travaille comme lecteur dans une maison d'édition et en 1947 il quitte clandestinement la Roumanie et se rend à Vienne “ où il ne restera que quelques mois car les bourreaux d'hier s'y promènent encore sous des masques débonnaires. C'est à Vienne qu'il rencontre sa douce folie.


El es Paul Celan. De familia judía de lengua alemana, nacido en Rumania en 1920. Sus padres fueron deportados a Ucrania y allí murieron. El fue enviado a un campo de trabajo en Valachie, más tarde vuelve a Bucivine ocupado nuevamente por los rusos. Trabaja como lector en una editorial y en 1947 abandona clandestinamente Rumania y se dirige a Viena “donde tan solo se quedará algunos meses ya que los verdugos de ayer se pasean todavía bajo mascaras bonachonas. Es en Viena donde encuentra su dulce locura.

Elle s'appelle Ingeborg Bachmann”
Elle est née le 25 juin 1926 à Klagenfurt, capitale de la Carinthie située au sud de l'Autriche (…)”
Son père fit partie du noyau dur des nazis. “ Notre famille, écrit-elle, eut ses monarchistes et ses anarchistes, ses socialistes et ses communistes. Puis vint un jour où elle eut ses nazis et ses antisémites, ses esprits confus, ses pilleurs et ses assassins...”


Ella se llama Ingebord Bachmann.”
Nació el 25 de junio de 1926 en Klagenfurt, capital de Corinthia en el sur de Austria” (…)
Su padre formó parte del núcleo duro de los nazis. “Nuestra familia, escribe, tuvo sus monárquicos y sus anarquistas, sus socialistas y sus comunistas. Luego vino un día en la que tuvo sus nazis y sus antisemitas, sus mentes confusas, sus bandidos y sus asesinos...” 
 
Après la guerre Ingeborg part étudier la philosophie qui l'amène à Vienne en 1947. Elle commence à publier et fait partie du Groupe 47 (avec Henrich Böll, Martin Walser....). “ Où qu'elle soit, Ingeborg est toujours et tout de suite le centre, c'est une chose qui ne s'explique pas.”
Después de la guerra estudia filosofía, lo que la lleva a Viena en 1947. Empieza a publicar y forma parte del Grupo 47 (con Henrich Böll, Martin Walser...). “Esté donde esté, Ingeborg es siempre y enseguida el centro de atención, es algo inexplicable.”

Elle est belle, a du style, fume nerveusement et beaucoup. Thomas Bernhard dit d'elle “ Elle ne recule devant rien dans ses pensées. Elle est à cent pour cent dans ses poèmes...”. Henrich Böll " dit qu'elle est généreuse....qu'elle a du courage politique” (elle adhère en 58 au Comité contre l'armement nucléaire.).
Es guapa, tiene estilo, fuma mucho y nerviosamente. Thomas Bernhard dice de ella: “En sus pensamientos no recula ante nada. Sus poemas la retratan al cien por cien...”. Henrich Böll dice: “es una mujer generosa... que tiene coraje político” (adhiere en el 58 al Comite contra el armamento nuclear.).


Et Celan dans tout ça me direz-vous. J'y arrive. Elle le rencontre en 1948. Il a 27 ans, elle 21.
Leur lien, qui restera jusqu'à la fin nécessaire à leur vie, à leur oeuvre, viendra buter sur mille impasses et mille incompréhensions. Mais ni leur fardeau de silence, ni les secrets ensevelis dans le fond de leur cœur (…), n'auront raison de leur obscur amour.
Après le suicide de Celan en 1970, Ingeborg Bachmann écrira dans Malina : Ma vie est finie car il s'est noyé dans le fleuve pendant l'évacuation. Il était ma vie. Je l'ai aimé plus que ma vie.”
¿Qué tiene que ver Celan en todo esto? me diréis. Ya llegamos. Le encuentra en 1948. El tiene 27 años. Ella 21.
Su vinculo, que permanecerá necesario hasta el final de sus vidas, de su obra, chocará contra mil dificultades e incomprensiones. Pero ni el cumulo de silencios, ni los secretos sepultados en lo más profundo de ellos mismos no acabará con su amor penumbroso.
Después del suicidio de Celan en 1970, Ingebord Bachmann escribirá en Malina: Mi vida ha terminado pues se ahogó en el río durante la evacuación. El era mi vida. Le amé más que a mi vida.”

Elle qui est fille d'un nazi, elle aime un homme, un poète juif qui a échappé aux camps d'extermination où ses parents sont morts. Quel dilemme!
Comment vivre avec une culpabilité insurmontable pour une faute que l'on n'a pas commise?
Comment vivre avec des chardons dans le cœur?”
Ils ne vont pourtant jamais se perdre de vue, ils s'écriront des lettres et des œuvres croisées.
Ingeborg aime l'amour, la vie , la poésie. Celan est adonné à la nuit, couché à l'ombre des morts, maître des cachots et des tours.” 
 Elle lui avoue “ Tu es mon bonheur. Que ne voudrais-je l'être pour toi, alors que le bonheur, à Celan, est interdit (…) puisque tout le sens du monde s'est abîmé dans la Shoah, puisque cette horreur a séparé les hommes, puisqu'elle les a, elle et lui, séparés."
Ella, hija de un nazi, ama un hombre, un poeta judio escapado de los campos de exterminio en los que murieron sus padres. ¡Que dilema!
¿Como vivir con una culpabilidad insuperable por un pecado que no hemos cometido?
¿Como vivir con cardos en el corazón?
Sin embargo nunca se perderán de vista. Se cruzarán cartas y obras.
Ingebord ama el amor, la vida, la poesía. Celan se entrega a la noche, duerme a la sombra de los muertos, dueño de mazmorras y torreones.” 
Ella le confiesa “Eres mi felicidad. Cuanto me gustaría serlo para ti, pero a Celan la felicidad le está prohibida (…) ya que el sentido del mundo se ha dañado en la Shoah, puesto que ese horror ha separado a las personas, puesto que les ha separado a ellos.”

Ingeborg écrit des pièces, des poèmes et devient célèbre. On l'admire, elle reçoit plusieurs prix. “Elle vient incarner pour cette génération d'après guerre une forme d'espoir, et ce d'autant mieux qu'elle laisse dans le flou la perception d'un réel contaminé par le nazisme.”
Ingebord escribe piezas, poemas y se hace famosa. Se la admira y recibe varios premios. “ Para esta generación de la posguerra encarna una forma de esperanza tanto más cuanto que deja borrosa la percepción de la realidad contaminada por el nazismo.

Mais... Mais quelques années plus tard elle publie Malina. Et “...une campagne de presse incendiaire se déchaîne à son endroit. Elle n'est plus désormais la poétesse consolatrice de l'après-guerre, et belle de surcroît, mais l'écrivain de la fracture, l'écrivain qui, non seulement déroge aux critères formels et conceptuels du roman, mais a le mauvais goût de faire surgir dans une vision de cauchemar le passé effroyable.” (une prose sans delikatessen et qui arrache
l'Autriche à ses mensonges).
Pero algunos años más tarde publica Malina. Y “... una campaña de prensa incendiaria se desencadena contra ella. Ya no es la poetisa consoladora de la posguerra, guapa por añadidura, sino la escritora de la fractura, la escritora que, además de contravenir los criterios formales y conceptuales de la novela, tiene el mal gusto de hacer surgir, en una visión de pesadilla, el pasado espantoso.” (una prosa sin delikatessen que pone en evidencia las mentiras de Austria).

*Suivent sous la plume de Lydie Salvayre des paragraphes essentiels sur l'écriture de Ingeborg, sur sa vision du langage, de l'oeuvre “qui est un mouvement vers l'autre, un appel, une adresse.” Sur la guerre qui, même finie est toujours présente. Et puis sur sa vision désespérée, désespérante, du couple.
*Siguen, escritos por Lydie Salvayre, párrafos esenciales sobre la escritura de Ingeborg, sobre su visión del lenguaje, de la obra “que es un movimiento hacia el otro, una llamada, un paradero.” Sobre la guerra que, incluso acabada siempre está presente. Y también sobre su visión desesperada, desesperante, de la pareja.

Après sa rupture avec Max Frisch, Ingeborg prend l'habitude d'avaler des tranquillisants et des somnifères, ce qui la conduira indirectement à la mort.
Después de su ruptura con Max Frisch, Ingeborg se acostumbra al consumo de tranquilizantes y somníferos, lo que la conducirá indirectamente a la muerte.


Je vous renvoie au si intéressant billet de Christian sur Malina

28 commentaires:

  1. Une bien belle histoire d'amour. Merci, Colo !

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    1. Amour et morts, si intimement liés...
      Bonne journée Danièle.

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  2. Une génération sacrifiée ... quand j'entends aujourd'hui autour de moi que ça n'a jamais été si dur pour les jeunes, je pense ne serait-ce qu'aux deux générations précédentes. Je crois que je vais attendre la sortie poche de ce livre pour prendre mon temps et le garder.

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    1. Tu as raison Aifelle, c'est un livre à lire lentement,; il renvoie à tant de faits historiques, politiques, à tant d'autres livres, écrivains, poètes...
      Le lien entre toutes ces femmes est certainement l'excès...dû sans doute à une époque terriblement difficile à vivre.

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  3. Un obscur amour, voilà qui ressemble bien à l'auteure de Malina ! La vision désespérée et désespérante du couple qu'avait Bachman est dans doute à la mesure de l'utopie de "réconciliation" qu'elle a toujours manifestée dans ses écrits.
    Les tranquillisants sont déjà présents dans Malina, à la fin, ce dernier les y confisque: j'apprends que sa mort dans l'incendie était liée à un sommeil trop profond.

    Je serais curieux de lire un jour la correspondance avec Celan. Voilà une histoire humaine de Bachman qui complète à merveille tout ce qu'on en a dit. Merci !

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    1. Bonjour Christian, je compte bien lire également cette correspondance. Ingeborg s'est largement inspirée des mots de Celan, en leur donnant "un envol" personnel dit Lydie.
      Nos billets se complètent, vous avez raison, c'est souvent l’intérêt des blogs, merci à vous aussi!

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  4. Le rouge et le noir, fulgurants jusqu'à l'anéantissement.
    Une découverte encore.
    Merci Colo.
    Bisesssssssssssss

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    1. À lire...un jour Maïté.
      Douce journée, besos.

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  5. Tu me donnes fort envie de lire cette correspondance Celan-Bachmann. Je reconnais des écrivains que j'ai lus dans son entourage, mais pas elle, qui ressemble à un personnage de roman.
    Merci pour cette série de lecture partagée, je lirai certainement l'essai de Lydie Salvayre. Belle journée, Colo.

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    1. Bonjour Tania, il reste 3 "folles" à découvrir.
      Dans le chapitre sur mon homonyme, Colette, je n'ai pas appris grand chose mais tu découvriras celui sur Virginia Woolf avec plaisir!
      Excellente journée à toi aussi.

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  6. je fais l'aller retour entre Christw et toi et je reste en famille on dirait
    j'ai lu les lettres de Celan à sa femme mais pas celles ci et à découvrir l'auteur chez Christw du coup j'ai bien envie de la lire
    le livre se fait attendre par contre

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    1. C'est une lecture intemporelle Dominique, bien que je comprenne parfaitement que juste après avoir lu des détails, indices sur des personnes, on ait fort envie...tout de suite!

      Je ne connais pas du tout la correspondance Celan-sa femme..

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  7. Merci Colo d'avoir si bien su transcrire un peu la vie d'Ingeborg Bachmann et celle de Paul Celan. Amour difficile.
    Je te souhaite une belle journée.

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    1. C'est avec plaisir Denise, ce livre, 7 femmes, est un trésor.
      Bonne soirée, à bientôt.

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  8. Très beau billet sur un amour impossible et pourtant si vrai. La sensibilité partagée n'est pas tout mais si la vie sépare, elle laisse toujours des traces indélébiles ...

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    1. Bonjour Savarati, c'est leur passé, involontaire, qui les sépare plus que la vie qu'ils mènent...ils ne s'en sont jamais remis de cet amour même s'ils ont continué à s'écrire. Peut-être à se voir se temps en temps, je l'ignore.

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  9. Merci Colo pour ce beau billet complémentaire de celui de Christioan. A force, je vais y venir, je crois !

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    1. Avec plaisir Annie, une lecture intéressante, si humaine surtout.
      Bonne journée!

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  10. Merci Colo pour ces découvertes, encore "3 folles" ! Youpie !

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    1. On se renvoie la balle avec ton superbe extrait de L'éloge de la folie...vive Érasme et les femmes!
      Je t'embrasse...follement?

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  11. Magnifique billet !
    A lire donc, Ingeborg Bachman, dès que j'aurais fini le livre de Heinrich Böll que je suis juste en train de lire ! Quelle coïncidence ! Son "Ende einer Dienstfahrt " (Fin de mission) rend compte de tout l'atmosphère de l'après-guerre allemand dans un seul minuscule événement : l'incendie par un père et son fils d'un véhicule militaire. Les deux hommes sont jugés au tribunal local. C'est un procès surréaliste. On est à mille lieues du monde actuel.
    Incroyable comme cette période est maintenant lointaine.
    J'ai hâte de lire ce qu'en dit Lydie Salvayre maintenant !

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    1. Même époque, si difficile époque....je note ce livre de Böll!
      Bel échange, merci!

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  12. Ah mais quel billet, fort, j'en suis les idées "essoufflées", mais quelle découverte ! Je ne sais si je trouverai cette auteur sur les rayons de la bibliothèque municipale, mais je vais noter son nom pour le temps où j'aurai le temps... ;)

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    1. Il n'y pas pas longtemps, 13 avril de cette année, qu'il est sorti Lou, il faudra sans doute un moment pour qu'il soit dans les bibliothèques.
      Mais tu aimeras son parcours, ses mots, sûre!

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  13. J'ai acheté le livre de Lydie Salvayre que je prévois de lire durant mes vacances. Je l'ai feuilleté, lu quelques passages, et je suis impatiente d'avoir cette soirée de solitude qui me permettra d'entrer dans ce livre. Merci.
    Bon dimanche.

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    1. J'espère que vous y trouverez autant de plaisir de d'intérêt que moi!
      Bon dimanche à vous aussi.

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  14. La découverte d'I. Bachman dans une librairie du havre fin 2009, est un des chocs littéraires les plus forts qu'il m'ait été donné de ressentir et les extraits de sa correspondance avec Celan sont très émouvants

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    1. Un choc littéraire dis-tu...j'ai commandé cette correspondance, j'y reviendrai sans doute après lecture.
      Bonne fin de journée.

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