Relire,
un plaisir ou une déconfiture. Le Notaire Du Havre de Duhamel, lecture
obligée à l'école, m'avait barbée. Pourquoi m'a-t-il tendu ses
mots l'autre jour? J'en suis enchantée. Comme vous en connaissez
l'histoire ou la trouverez sans peine, en voici un extrait que
j'intitulerais “doutes existentiels”.
Releer,
un placer o una desilusión. El Notario de Le Havre de Duhamel, lectura
obligada en la escuela, me había aburrido. ¿Por qué me tendió sus
palabras el otro día ? Estoy encantada. Ya que conocéis la
historia o la encontraréis sin pena, he aquí une extracto que
titularía “dudas existenciales ».
“Je
crois, commençait-il, que je vais abandonner à quelque esprit moins
agile que le mien la comptabilité des Galeries du Maine.
J'ai eu, ce matin, avec mon chef, cet homme remarquable, un entretien
qui, je pense, va le faire rêver pendant toute la fin de sa vie.
Imaginez qu'au début de la matinée cet homme remarquable entreprend
de me vanter les avantages de mon emploi:
“Monsieur
Wasselin, dit-il, vous jouissez ici d'une position stable.
Moi: Assurément,
monsieur Duchnoque. (Il ne s'appelle pas Duchnoque, c'est un nom
d'amitié.) Assurément. Et c'est, si j'ose l'avouer, ce qui
m'attriste.
Lui: Ce qui vous
attriste?
Moi: Comprenez,
monsieur Duchnoque. Tant que je cherchais une place, j'avais de
l'espoir.
Lui :
Comment ? Quel espoir ?
Moi : L'espoir
de trouver une place, monsieur Duchnoque.
Lui : Pas
possible ! Et maintenant ?
Moi : J'ai la
place, monsieur Duchnoque. Mais je n'ai plus d'espoir. C'est
infiniment triste.
Lui :
Qu'est-ce qui est triste, monsieur Wasselin ? Je ne comprends
pas.
Moi : Je me
demande toute la journée ce que j'aime le mieux de l'espoir ou de la
place. Ça devient une idée fixe monsieur Duchnoque. Je finirai par
m'en aller.
Lui : Vous en
aller ? Vous parlez de vous en aller ! Enfin qu'est-ce que
tout cela signifie ?
Moi : M'en
aller ! Hélas, oui ! monsieur le directeur. Quand je serai
parti, je serai sûr de n'être pas resté. Vous comprenez bien que
je ne peux pas vivre dans l'indécision.
Lui :
L'indécision ! Quelle indécision ?
Moi :
L'indécision de savoir si je resterai ici, monsieur Duchnoque... "
Mme Wasselin levait
les bras au ciel. Papa riait, l'air dédaigneux. Le bouffon modulait,
le bec en sifflet, un prrrt ironique. De telles conversations avaient
lieu, le plus souvent, sur le palier, à la faveur d'une rencontre.
Les portes refermées, papa riait sans retenue (...) »
(Le notaire du Havre, Duhamel, folio p.78 - 79)
M.C. Escher Humanity |
“Creo,
comenzó, que abandonaré a algún espíritu menos ágil que el mío
la contabilidad de las Galerias del Maine. Esta
mañana he tenido, con mi jefe, ese hombre notable, una conversación
que en mi opinión le hará soñar durante el resto de su vida.
Imaginad que al principio de la mañana ese hombre notable comienza a
alabar las ventajas de mi empleo:
“Señor
Wasselin, dijo, Usted disfruta aquí de una posición estable.
Yo : En
efecto, señor Alcornoque. (No se llama Alcornoque, es tan solo un
sobrenombre amistoso.) En efecto.
Y es eso lo que me entristece.
El :
¿Lo que le entristece? Explíquese, señor Wasselin.
Yo :
Compréndame, señor Alcornoque.
Mientras buscaba un empleo, tenia la esperanza.
El :
¿Cómo? ¿Qué esperanza?
Yo :
La esperanza de encontrar un empleo, señor Alcornoque.
El :
¡Increíble! ¿Y ahora?
Yo : Ahora
tengo el empleo, señor Alcornoque. Pero ya no tengo la esperanza. Es
infinitamente triste.
El : ¿Qué
es lo que es triste, señor Wasselin?. No le entiendo.
Yo : Todo
el día me he preguntado que es lo que prefiero: la esperanza o el
empleo. Se está volviendo una idea fija, señor Alcornoque. Si esto
continua acabaré por irme.
El : ¡Irse!
¡Usted habla de irse! Pero ¿qué significa todo esto?
Yo : ¡Irme!
Por desgracia, ¡si! Señor director. Cuando me haya ido estaré
seguro de no haberme quedado. Usted comprenderá que no puedo vivir
en la indecisión.
El : ¡La
indecisión! ¿Qué indecisión?
Yo : La
indecisión de saber si me quedaré aquí, señor Alcornoque...”
La
señora Wasselin levantaba los brazos al cielo. Papa se reía,
desdeñoso. El bufón modulaba, con los labios en silbato, un prrrt
irónico.
Tales
conversaciones tenían lugar, la mayor parte del tiempo, en el
descansillo.(...). Una vez las puertas cerradas, mi padre se reía a
carcajadas.”.
Trad:
MAH y Colo
excellent ! Duhamel, qui lit encore Duhamel aujourd'hui ? Et pourtant !
RépondreSupprimerCela vaut l'histoire du métier de chercheur. Un chercheur qui trouve n'est plus chercheur que doit-il faire ? chercher une solution et s'il la trouve ? ...
bon week-end avec drôlerie et ... sans doutes existentiels !!!
Bisous pleins de reflets.
Bien entendu j'ignore si quelqu'un le lit encore, mais je peux t’assurer qu'autant les descriptions (les odeurs particulièrement)et la fine observation des qualités et travers humains y sont magnifiques.
SupprimerDrôlerie? la première est que ma soeur vient passer une semaine ici et qu'on annonce de la neige!!!!! Heurs et malheurs de l'existence....
Besos pour toi aussi!
Nous changeons, Chère Colo un texte ennuyeux relu avec de l'expérience (mot pudique pour dire: de l'âge, "de la bouteille"
RépondreSupprimerhttp://dusportmaispasque.blogspot.fr/2013/02/bouteille-la-mer.html )te ravira.
Avant-hier le Molière scolaire m'ennuyait,hier au ciné, Alceste à bicyclette m'a "tendu ses mots"comme tu dis si bien..
http://dusportmaispasque.blogspot.fr/2013/02/nabucco-et-alceste.html
Ravira, comblera...ah, ça! Dès que possible je fais un saut chez toi Alex.
SupprimerNous bonifions, comme le contenu de certaines bouteilles? :_))
Beau weekend amigo.
zut, manque 1 mot, il faut lire: " relu avec de l'expérience te comblera"
RépondreSupprimerpardon!
Autre Duhamel, celui publié chez Omnibus (800 p.) sous le titre de "Vies des martyrs et autres récits de guerre" (14-18)
RépondreSupprimer4e de couverture :
- "Récits de guerre, récits de compassion. Georges Duhamel, médecin au front pendant la Grande Guerre, vécut en cette qualité « l'envers de l'enfer ». Il nous livre ici avec simplicité de saisissants portraits des innombrables blessés de tous types que le premier conflit des temps modernes engendra.
« Sous leurs pansements, il y a des plaies que vous ne pouvez imaginer. Au fond des plaies, au fond de la chair mutilée, s'agite et s'exalte une âme extraordinaire, furtive, qui ne se manifeste pas aisément, qui s'exprime avec candeur, mais que je souhaiterais tant vous faire entendre. » (Vie des martyrs). Et nous, lecteurs d'aujourd'hui, prêtons une oreille attentive aux maux de ces hommes, à travers la lecture de ces trois textes pudiques et fiers. Tandis que se pose une nouvelle fois la lancinante question : comment ont-ils tenu ?
Ce témoignage d'un grand écrivain où se mêlent tous les courages et les ridicules d'un quotidien d'exception est enrichi d'un choix inédit de 50 lettres échangées entre Georges Duhamel et son épouse Blanche Albane de juin à octobre 1915. Elles apportent comme l'esquisse d'une réponse."
Merci JEA, j'ai lu que, réformé à cause de sa vue je crois, il s'était porté volontaire au front, comme médecin, oui.
SupprimerEntre ce que je sais déjà et ce que vous dites, je vais poursuivre la découverte de ce personnage-écrivain hors du commun.
Cette correspondance doit être fort intéressante bien sûr, merci à vous.
Bien amicalement.
Ce texte est subtile et délicieux jusqu'à l'absurde, mais en même temps il temps psychologiquement juste. Appliqué à notre époque combien sont ceux qui n'ont pas de place sans pour autant avoir beaucoup d'espoir ?
RépondreSupprimerVous avez parfaitement raison Serge, hésiter entre place et espoir est un vrai luxe par les temps qui courent,
SupprimerCe qui n'ôte rien à la qualité de l'extrait!
Belle fin de journée!
Bien entendu l'extrait est un délice !
SupprimerNous sommes bien d'accord Serge!
SupprimerJe me demande si je ne l'ai pas lu il y a fort fort longtemps. Et le commentaire de JEA me font dresser l'oreille. Pourquoi certains écrivains sont-il injustement au purgatoire ?
RépondreSupprimerPardon, le commentaire "me fait" dresser l'oreille, je ne sais pas où j'ai la tête ..
RépondreSupprimerCet héritage qui n'en finit pas d'arriver, les projets et dépenses insensés. Des personnages hauts en couleur, ça ne te dit rien?
SupprimerTu l'auras probablement lu à l'école, comme moi....mais il y a belle lurette de ça!
Voyons s'il est possible de ressusciter cet écrivain!
Contente de te retrouver Aifelle.
Texte savoureux qui peut constituer le reflet de beaucoup d'époques, à commencer par la nôtre. Un côté absurde qui me ravit. Bon week-end, Colo !
RépondreSupprimerEntre sourire et perplexité...excellent week-end aussi Danièle, on annonce de la neige ici...prrrt!:-)
SupprimerCela me fait penser à ce conte où un empereur oriental (je ne sais plus très bien ?) demande à ses servants et soldats de chercher la mer afin de l'y conduire, son rêve de toujours. Ceux-ci voyagent des années à la recherche de la mer et finissent un beau jour pour en trouver le chemin et proposent à l'empereur de l'y amener.
RépondreSupprimerCelui-ci pousse alors un soupir et leur demande: je m'en réjouis, mais quand j'aurai vu la mer, que me restera-t-il comme rêve ?
Votre extrait apporte une note absurde amusante mais tout aussi philosophique.
Bonsoir Christw. Une fois nos rêves accomplis, que reste-t-il sinon en créer d'autres?
SupprimerMerci pour cette histoire si illustrative.
Beau week-end!
Moi je crois me souvenir d'avoir eu une prof qui m'a fait aimé ce genre d'auteur/trice que l'on ne lit plus provisoirement pour certain.e.s.
RépondreSupprimerJ'aimais bien son humour. Bonne idée de lui faire prendre un peu l'air du temps ! ;)
Il y a des auteurs que l'Histoire a enterrés bien à tort; d'autres qu'on nous vante et/ou nous fait lire alors que...déterrons "les bons" nous-mêmes donc, tu le fais si souvent!
SupprimerBelle soirée Euterpe!
Eh bien moi je n'a pas dû le lire... et l'ai donc loupé. En effet c'est savoureux! Mais ce n'est pas le genre de saveur que l'on apprécie quand c'est une lecture imposée!
RépondreSupprimer...et surtout pas quand on n'a que 16 ans!
Supprimeraha je vais voir s'ils ont Duhamel à la bibliothèque :-)
RépondreSupprimermerci Colo!
Belle idée Adrienne!
SupprimerLecture scolaire pour moi aussi, mais tout oublié et bien ri de ce dialogue avec Duchnoque-Alconorque.
RépondreSupprimerJ'ai recroisé Duhamel il y a peu, dans le Journal de Léautaud - Duhamel avait repris la direction du Mercure de France. Léautaud craint fort qu'il le chicane pour son article, et est tout surpris de l'entendre lui dire qu'il le publiera tel quel, à part un mot à changer. "Comme je demande lequel, il cherche dans mon texte, arrive au passage des époux Caron, me montre le mot : "sperme". "Si vous voulez bien, nous mettrons : "semence". Je lui ai dit qu'il va me prendre pour un précieux, que jamais ce mot ne serait venu à cette commère. Il a voulu me persuader que c'est le terme exact. J'ai bien dû me laisser faire. Mais que c'est ridicule, et que ce mot semence est ridicule, lui aussi."
Bonne journée, Colo & bonne compagnie.
Ah, amusant cet épisode! Semence, ridicule...tiens donc, à chacun ses manies! Merci Tania!
SupprimerJe suis passée à travers au Lycée j'ai l'impression car je n'ai aucun souvenir et je crois bien que je je ne l'ai jamais lu !!!!!!!
RépondreSupprimerouille ouille il faut que je me mettes un petit pense-bête
Dominique, je te croyais en vacances, sans ordinateur, te prélassant dans un 5*! :-))
SupprimerHeureusement il y a toujours des découvertes partout...
Le nom me dit quelque chose mais je n'ai rien retenu de ses écrits!!! Un récitation ? Une citation ? Un roman ? Rien ne me vient spontanément !!! A fouiller...
RépondreSupprimerBeau week-end !
Un week-end noyé, le rideau épais de pluie ne me laisse même pas apercevoir la montagne si proche!
SupprimerMais beau week-end à toi aussi!
Excellent !
RépondreSupprimerBelle description d'un milieu aisé et sans problème qui peut se permettre ces doutes existenciels, une pointe de suffisance aussi ( je vais abandonner à quelques esprits moins agiles que le mien la comptabilité des galeries du Maine )
Bon week-end !
Mr Wasselin est, entre autres, un facétieux mythomane...
SupprimerMerci de ton passage Marcelle, beau dimanche.
L'extrait est amusant et bien tapé ;-) mais il est vrai que transposé en Espagne, il fait grincer des dents ! On lisait Duhamel à l'école pour ces grandes fresques historiques et je l'ai enseigné en Flandre... je me souviens d'un texte qui parlait du sport comme "le nouveau temple". Ce texte était très moderne.
RépondreSupprimer(Belle illustration sur l'humain dédoublé !)
Bonsoir MH, je n'ai lu jusqu'à présent que le notaire dans cette fresque des Pasquiers, mais j'ai bien envie de lire le reste!
SupprimerUn texte pas vieilli du tout, tu as raison.
Georges Duhamel évoque pour moi quelques textes de dictées et de lectures dont un où il évoquait de façon émouvante sa mère cousant jusqu'à plus de minuit avec une voisine pour gagner quelques sous pour les nourrir. La saga dont tu parles je ne la connais pas. L'extrait est savoureux. Le travail ne correspond pas toujours aux attentes des hommes et des femmes. Ils espèrent une fonction qui leur permettra de s'épanouir, de se sentir bien avec les autres, utiles à la société, et bien souvent le travail dégoté ne permet que de survivre ! Hélas, comme l'on remarqué quelques uns, heureux aujourd'hui ceux qui ont un boulot ... Tellement sont inactifs sans but et sans espoir !!! Bon aprèm Colo.
RépondreSupprimerPour toi Lily un extrait sur la couture: " Notre nouvelle salle à manger fut transformée, comme l'ancienne, en atelier de couture et maman commença de rêver sur des patrons de papier gris- Elle avait l'air d'un général qui consulte ses cartes et combine une bataille. (...) Parfois elle nous criait: "taisez-vous une minute, mes enfants, que je vois clair." Nous faisions silence, frappés par la gravité de son accent, de son geste. Et, soudain, avec un bruit crissant et glouton, les ciseaux mordaient le drap."
SupprimerBonne soirée à toi!
Je ne connaissais pas.
RépondreSupprimerMais j'ai bien ri et pensé à un dialogue à la Raymond Devos, pour l'art de jouer avec les mots.
Pour le fond...autres temps, autres mœurs, du moins chez la plupart d'entre nous qui avons bien d'autres préoccupations.
Moi aussi je me suis bien amusée.
SupprimerIl y eut un temps, pas éloigné du tout d'ailleurs, où on pouvait aisément changer de boulot...
Bonne soirée Maïté.
Je l'avoue : je n'ai jamais rien lu de cet auteur... Mais je comprends qu'une lecture, obligée un temps, soit une belle découverte quand elle se propose, plus tard...
RépondreSupprimerBonne journée.
Bonjour Bonheur, parfois c'est le contraire et la déception est si grande: un beau souvenir transformé en antiquité! Mais cette fois-ci....
SupprimerBelle journée, si froide et mouillée ici!