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30 oct. 2024

Lever les yeux / Alzar los ojos

 

Un court séjour à Madrid, une balade dans le Jardin Botanique qui se trouve en face du Prado. 

Celui de Mario Benedetti est à Montevideo, mais les sensations sont pareilles, qu’on se trouve à Bruxelles ou à Paris...


À gauche du chêne

(Le jardin botanique de Montevideo)

                                                     

                                                    

Mario Benedetti



Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé

mais le Jardin Botanique est un parc endormi

dans lequel on peut se sentir arbre ou un autre

à une condition préalable.

Que la ville existe tranquillement au loin. 





Le secret est de s'appuyer disons sur un tronc

et d'écouter à travers l'air qui accueille des bruits morts

comment galopent les tramways sur Millan et Reyes.


No sé si alguna vez les ha pasado a ustedes
pero el Jardín Botánico es un parque dormido
en el que uno puede sentirse árbol o prójimo
siempre y cuando se cumpla un requisito previo.
Que la ciudad exista tranquilamente lejos.

El secreto es apoyarse digamos en un tronco
Y oír a través del aire que admite ruidos muertos
como en Millán y Reyes galopan los tranvías.

Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé

mais le Jardin Botanique a toujours eu

une agréable propension aux rêves

aux insectes qui montent sur les jambes

et à la mélancolie qui descend dans les bras

jusqu'à ce qu'on ferme les poings et l'attrape.

 


Après tout le secret est de regarder vers le haut

et de voir comment les nuages se disputent les cimes des arbres

et de voir comment les bruits se disputent les oiseaux.

(...)

No sé si alguna vez les ha pasado a ustedes
pero el Jardín Botánico siempre ha tenido
una agradable propensión a los sueños
a que los insectos suban por las piernas
y la melancolía baje por los brazos
hasta que uno cierra los puños y la atrapa.

Después de todo el secreto es mirar hacia arriba
y ver como las nubes se disputan las copas
y ver como los ruidos se disputan los pájaros.

(…) leer el poema entero: https://jardinbotanico.montevideo.gub.uy/node/10/coleccion/cuentos-y-leyendas-de-nuestra-flora-nativa/poema-la-izquierda-del-roble


Superbe collection de courges du Botánico

22 oct. 2024

Sans souliers / Sin zapatos

 

Ce poème m'a fait penser à ma très vieille amie, Margarita, qui était analphabète.
Este poema me hizo pensar en mi amiga, muy mayor, Margarita, que era analfabeta.

Antònia Vicens nació en Santanyí (Mallorca) en 1941. Es novelista y poeta.
Née à Santanyí (Mallorca) en 1941, elle est romancière et poète.

Sorolla, el viejo pescador


 
Il avait toujours mal aux pieds

Les pieds le faisaient toujours souffrir
mon père.
C’est en boitant qu’il parcourait tous les magasins de chaussure
à la recherche de souliers confortables qui l’aideraient
à supporter le poids de toutes les blessures
déchirements et coupures
que la mer lui avait faits.
Il n’en trouva jamais. Il a dû s’en aller
pieds nus avec sa montre et son couteau
à couper le pain, à couper les larmes, dans la poche de la veste et
la figure blanche comme l’écume des vagues
tant de fois surfées.

Toujours il me le disait:
Je n’ai pas eu d’enfance.

Il ne se l’ôtait pas de la tête:
J’ai appris à écrire mon nom à la guerre

Sifflaient les balles glissaient les étoiles
de sang quand j’ai appris à écrire mon nom.
Je ne voulais pas être un aide-maçon quelconque

Et ma mère disait :
C’est un bel homme. Dommage
qu’il ne sache pas écrire. Toi
tu dois aller à l’école Antonia.Tu
ne dois pas être une ignorante comme ton père, ma fille.

Et le bleu de ses yeux se répandait sur ses joues quand,
diluvienne,
elle pleurait son absence.
(Traduction Colo) 

Alexander Ignatius Roche, the old fisherman


LOS PIES SIEMPRE LE DOLÍAN


Los pies siempre le dolían
a mi padre.
Cojeando recorría todas las zapaterías
buscando unos zapatos bastante cómodos que lo ayudaran
a sobrellevar el peso de  todos los daños
los desgarros y los cortes
que el mar le había hecho.
Nunca los encontró. Tuvo que marcharse
descalzo con el reloj de pulsera y el cuchillo
de rebanar pan de rebanar lágrimas en el bolsillo de la chaqueta y
una cara blanca como la espuma de las olas
que tantas veces montó.

Me lo decía siempre:
No tuve infancia.

No se lo sacaba de la cabeza:
Aprendí a escribir mi nombre en el frente.

Chillaban balas se deslizaban estrellas
de sangre cuando yo aprendía a escribir mi nombre.
No quería ser un peón cualquiera.

Y decía mi madre:
Es un hombre apuesto. Lástima
que no sepa escribir. Tú
tienes que ir a la escuela Antònia. No
tienes que ser un ignorante como tu padre hija.

Y el azulete de los ojos se le esparcía por las mejillas cuando
diluviana
lloraba su ausencia.

*
Traducción de Carlos Vitale*

L'original en catalan.

ELS PEUS SEMPRE LI FEIEN MAL /// Els peus sempre li feien mal / al pare. / Ranquejant recorria totes les sabateries / cercant unes sabates prou còmodes que l’ajudessin / a dur el pes de tots els traus / els treps i els talls / que la mar li havia fet. / No les va trobar mai. Va haver d’anar-se’n / descalç amb el rellotge de polsera i el ganivet / de llescar pa de llescar llàgrimes dins la butxaca del gec i / una cara blanca com l’escuma de les ones / que tantes vegades va muntar. / M’ho deia sempre: / No vaig tenir infància. / No s’ho treia del cap: / Vaig aprendre a escriure el meu nom al front. / Giscaven bales lliscaven estrelles / de sang quan jo aprenia a escriure el meu nom. / No volia ser un peó qualsevol. / I deia la mare: / És un home plantós. Llàstima / que no sàpiga escriure. Tu / has d’anar a l’escola Antònia. No / has de ser una ignorant com ton pare filla. / I el blavet dels ulls se li escampava per les galtes quan / diluviana / plorava la seva absència.

 
(reprise du billet de 2018)

17 oct. 2024

Chasser les soupirs / Cazar suspiros

 Le piano et la guitare furent les inséparables compagnons de vie de Federico G.

 Lorca

Voici un poème dédié à la guitare: pleurs et sanglots, images...reflets d'une époque.

El piano y la guitarra fueron los inseparables compañeros de vida de Federico.
Aquí dos poemas dedicados a la guitarra: llantos y sollozos, imágenes...reflejos de una época.


Les six cordes

La guitare
fait pleurer les songes.
Le sanglot des âmes
perdues
s'échappe par sa bouche
ronde.

Et comme la tarentule,
elle tisse une grande étoile
pour chasser les soupirs
qui flottent dans sa noire
citerne en bois.



(Federico Gracia Lorca, Poème du Cante Jondo.
Poésies 1921-1927)
(trad: Colo)



Las seis cuerdas, F, García Lorca

La guitarra
hace llorar a los sueños.
El sollozo de las almas
perdidas
se escapa por su boca
redonda.
Y como la tarántula,
teje una gran estrella
para cazar suspiros,
que flotan en su negro
aljibe de madera.



1924


Dessins de Lorca

14 oct. 2024

Autoportrait féminin / Autorretrato femenino

 Quand nous regardons un autoportrait nous nous posons rarement la même

 question que devant un tableau: “Que veut nous dire l’artiste ?”. 

On se demande plutôt s’il est vraiment comme il se représente. Veut-il se faire connaître ? Est-ce un travail d’introspection ? ...il est (donc) parfois difficile de déterminer s’ils se représentent tels qu’ils sont, tels qu’ils voudraient être ou encore tels qu’ils souhaitent être vus.” *


Nous connaissons tous les autoportraits d’hommes, si nombreux dans le cas de Rembrandt par exemple, mais cette semaine je suis restée longtemps devant celui de Victoria Martín de Campo qui date de 1840. 

À part Frida Khalo, je n’avais vu d’autoportraits de femmes. 

 

                          Autorretrato- Victoria Martin de Campo


Cette espagnole, née à Cádiz en 1794, est peu connue et je n’ai pas trouvé beaucoup d’œuvres d’elle, mais celle-ci m’intrigue et me fascine à la fois. Tant son regard que son demi-sourire, un peu coquins, amusés sont comme... envoûtants. 

 

*https://artenquestion.com/autoportrait-artistes/

 

7 oct. 2024

Obliquement / Oblicuamente

 

Image   Circe Maia (Montevideo 1932)


Il sortit un moment dans le corridor

-le corridor sans personne -

il vit que le soleil entrait obliquement

-poussière dans l’air -.

Il fit quelques pas qui avancent

et traversent

le doré, l’oblique,

le solitaire.

Et tout reste derrière

une image

qui ne sera à personne. 

 

Trado: Colo 

 




Imagen             Circe Maia, Montevideo 1932


Salió un momento al corredor

-el corredor sin nadie-

vio que el sol entraba oblicuamente

-polvo en el aire-.

Dio unos pasos que avanzan

y atraviesan

lo dorado, lo oblicuo

lo solitario.

Y todo queda atrás

una imagen

que no será de nadie


1 oct. 2024

Clairière du temps / Claro del tiempo

 

CLAIR D’HORLOGE            F. García Lorca


de “Premières chansons”

 

Je m’assis
dans une clairière du temps.
C’était un havre 
de silence,
d’un blanc silence,
formidable arène 
où les étoiles
affrontaient les douze, oscillants,

chiffres noirs.

(Trad: Colo)

                                  Montage créé par Kwarkito  pour ce poème, pour nous. 

                                       Un tout grand merci amigo.



CLARO DEL RELOJ    (Primeras Canciones, 1922)

Me senté
en un claro del tiempo.
Era un remanso
de silencio,
de un blanco silencio,
anillo formidable
donde los luceros
chocaban con los doce flotantes
números negros.

F. García Lorca