Pages

10 janv. 2024

Un tableau, un poème IV / Un cuadro, un poema IV

                        M. Luisa Puiggener, (1973-1921, Andalucía) Una artista


 

Être artiste

 JORGE EDUARDO EIELSON (Lima, 1924-Milán, 2006)

 

C’est convertir un objet quelconque

En un objet magique

C’est convertir le malheur

L’idiotie et les ordures

En un voile lumineux

C’est souffrir jour et nuit

D’une maladie éblouissante

C’est savourer le futur

Flairer l’immensité

Palper la solitude

 

C’est regarder regarder regarder

C’est écouter le chant de Giotto

Le sanglot de Van Gogh

Le cri de Picasso

Le silence de Duchamp

C’est défier la raison

L’époque

La mort

(...)

C’est caresser des armes de combat

Comme si elles étaient des tubes de couleurs

C’est caresser des tubes de couleurs

Comme s’ils étaient des oiseaux vivants

(...)

C’est jouer jouer jouer

C’est se couvrir la tête de bleu outre-mer

C’est se couvrir le cœur de rouge écarlate

C’est jouer sa vie pour un coup de pinceau

C’est s’éveiller tous les jours

Devant une toile vide

Et ne rien peindre

(Trad: Colo)


SER ARTISTA

 

Es convertir un objeto cualquiera
En un objeto mágico
Es convertir la desventura
La imbecilidad y la basura
En un manto luminoso
Es padecer día y noche
De una enfermedad deslumbrante
Es saborear el futuro
Oler la inmensidad
Palpar la soledad

Es mirar mirar mirar mirar
Es escuchar el canto de Giotto
El sollozo de Van Gogh
El grito de Picasso
El silencio de Duchamp
Es desafiar a la razón
A la época
A la muerte
(…)

Es acariciar armas de combate
Como si fueran tubos de colores
Es acariciar tubos de colores
Como si fueran pájaros vivos
(…)

Es jugar jugar jugar jugar
Es cubrirse la cabeza de azul ultramar
Es cubrirse el corazón de rojo escarlata
Es jugarse la vida por una pincelada
Es despertar todos los días
Ante una tela vacía
Es no pintar nada

 

JORGE EDUARDO EIELSON (Lima, 1924-Milán, 2006)








34 commentaires:

  1. « Être artiste,…c’est savourer le futur, flairer l’immensité » je retiens cela comme projet de vie . Belle journée colo

    RépondreSupprimer
  2. Être artiste, comme ce poète le dit lui-même, c'est "jouer sa vie pour un coup de pinceau" : transformer, observer les choses, regarder sans fin les toiles des peintres qui comptent. Il y a aussi le jeu avec les couleurs et la perspective assumée de se réveiller avec une toile vide. Superbe poème, qui place très haut le travail des artistes ! J'aime bien également la lumière du tableau présenté et le regard attentif de celle qui peint, tout en fixant son modèle.
    Merci Colo, et bonne fin de semaine.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Antoine, tu es toujours si positif et encourageant!
      Bonne fin de semaine à toi aussi. À plus tard chez toi, j'ai vu que tu nous as écrit quelque chose, chouette!

      Supprimer
  3. triste conclusion d'impuissance, après tous ces rêves de beauté et de merveilleux :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cette chute est inattendue Adrienne, je ne suis pas sûre de l'idée d'impuissance, c'est peut-être une ouverture sur tous les possibles aussi. Qui sait?

      Supprimer
  4. Je le trouve magnifique ce poème. Je ne vois pas forcément d'impuissance à la fin, comme Adrienne, mais plutôt l'alternance de jours de grâce et d'autres moins créatifs.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Aifelle, il y a sûrement des jours "sans", des jours où on ne se sent pas de taille à " convertir le malheur, L’idiotie et les ordures, En un voile lumineux" , et puis les autres jours où c'est le contraire...

      Supprimer
  5. Bonjour Colo
    je trouve ta démarche d'associer un poème à un tableau géniale.
    J'aime beaucoup ce poème et je vois la fin, non comme quelque chose de désespérant, puisque nous ne sommes pas de grands artistes, mais au contraire comme une attitude face à la vie, faite d'accueil des sensations, d'imprégnation.
    Et recevoir toutes ces manifestations artistiques jusqu'à la plénitude, une sorte d'extase devant ceux qui savent donner le maximum de leur art... Et qui sait, peut-être un jour accoucherons-nous... d'une souris artistique!
    Muchos besos
    Maïté Alienor

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Maïté, que ça me fait plaisir de te lire ici!
      Et de sourire de ta souris artistique, mais oui, pourquoi pas ?
      À très bientôt, muchos besos también !

      Supprimer
  6. Merveilleuse illustration, quel regard attentif !
    Merveilleux poème aussi qui suggère bien qu'être artiste, c'est voir plus grand, plus large, plus fort, plus intensément. Merci dame Colo, un beso !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. A travers cette série de peintres femmes espagnoles j’ai fait de superbes découvertes. Ce tableau est, c’est vrai, de toute beauté.

      Merci Claudie, un beso

      Supprimer
  7. Quel beau tableau et quelle belle définition de l'artiste que ce poème que tu nous as heureusement traduit et je t'en remercie. C'est superbement bien exprimé ce doute qui submerge l'artiste devant la toile vide (pareil pour la page blanche de l'écrivain d'ailleurs), l'alternance de ces jours pleins de couleurs donc créatifs et d'autres où on ne peut qu'engranger en observant le monde...en étant attentif comme cette jeune femme sur le tableau qui semble fascinée par son modèle. Merci pour ce partage.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ce beau commentaire Manou! Tu as tout vu, tout perçu.
      Bonne fin de semaine.

      Supprimer
  8. Merveilleux, le rendu des blancs sur les vêtements, de la concentration du regard ! Ce pourrait même être un autoportrait, s'il n'y avait l'esquisse du modèle sur le papier. Merci de nous faire découvrir cette peintre réaliste que je ne connaissais pas du tout.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je savais que cette peinture te plairait Tania, as-tu été regarder d'autres oeuvres d'elle?
      Douce après-midi, bon thé.

      Supprimer
  9. Quel magnifique tableau, j'aime beaucoup l'expression de cette femme, c'est beau et j'apprécie infiniment le poème.
    Gros bisous Colo :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Denise, oui, c'est un tableau qu'on verrait bien chez soi, n'est-ce pas???? Bon week-end Denise, un beso

      Supprimer
  10. j'aurais aimé être une artiste moi aussi, mais hélas je n'ai pas la persévérance nécessaire - encore un poème que j'aime, merci colo

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je comprends et j'ai le même regret Niki, je me dis qu'il n'est peut-être pas trop tard pour s'y mettre, sans aucune prétention bien sûr!
      Merci à toi, bon week-end.

      Supprimer
  11. Texte et peinture sont très beaux! Gros bisous et bonne soirée. Moi, vite au chaud sous la couette

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Val, oui, la belle robe blanche, légère, du tableau n'est pas de mise en ce moment, vite la couette, les gros pulls.
      Bon week-end.

      Supprimer
  12. De ces petites découvertes qui font plaisir. Bonne journée.

    RépondreSupprimer
  13. Un bel ensemble , les mots comme le tableau, sont habités.
    Regard magnifique.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci K, combiner les arts donne parfois de bons résultats. À bientôt!

      Supprimer
  14. Qu'il est beau ce poème!
    "Flairer l’immensité
    Palper la solitude
    C’est regarder regarder regarder"
    "C’est caresser des tubes de couleurs
    Comme s’ils étaient des oiseaux vivants"

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pensais bien que si tu passais par ici, ce poème te plairait Marie.

      Supprimer
  15. Incroyable poème, il fallait y penser à toutes ces images, quelle belle inspiration ! Merci dame Colo, pour cette lumineuse énergie. Bises du lundi. brigitte

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai hésité à le publier Brigitte, car señor Colo qui supervise l'exactitude des mes traductions n'avait pas du tout aimé le poème.....comme quoi:-))
      Merci et bonne semaine, hop je pars chez toi.

      Supprimer
  16. Merci Colo pour ce magnifique poème qui dit si bien l'emprise de la peinture , la solitude, la souffrance, l'exaltation de l'artiste qui ne peut autrement que de se mettre devant sa toile...c'est sa vie !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir Anda, oui, c'est sa vie, parfois la page toile blanche résiste parfois tout semble aisé...Merci de ta visite.

      Supprimer
  17. Es convertir la desventura
    La imbecilidad y la basura
    En un manto luminoso
    oui mille fois oui !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Absolument nécessaire, vital même. Un beso Bacchante

      Supprimer