Souffrir, accepter, se consoler puis reprendre sa route, seul(e).
Ce second poème de Luis García Montero, qui a donné le nom à son recueil (1994)
où il ne parle pas ici du décès de sa chère compagne, Almudena Grandes,
mais d'une séparation amoureuse. Qui n'en a pas vécu ?
CHAMBRES SÉPARÉES
Luis García Montero
Il est seul. Pour suivre sa route
il se montre détaché des choses.
Il va sans provisions.
Quand les jour passent
et le soir, il pense à ce qui s’est produit,
seule l’émeut
cette réussite imprévue
d’avoir pu vivre sa propre vie
suivant le sûr hasard de sa conscience,
ainsi, naturellement, sans dettes ni drapeaux.
Un jour il a dit amour
Ses lèvres se peuplèrent de cendre.
Il a dit aussi demain
les yeux aveugles au présent
et il n’eut que des ombres à serrer dans la main,
seulement des fantômes
un chemin de nuages.
Solitude, liberté,
deux mots qui, souvent, pèsent
sur les épaules blessées du voyageur.
De tout il se charge, de rien il ne se convainc.
Ses traces ont aujourd’hui la brûlure
des rêves vides.
Il ne veut pas renoncer. Pour suivre son chemin
il accepte que la vie se réfugie
dans une chambre qui n’est pas la sienne.
La lumière reste toujours derrière une fenêtre.
De l’autre côté de la porte
il écoute souvent les pas de la nuit.
Il sait qu’il lui faut
apprendre à vivre un autre âge,
un autre amour,
un autre temps.
Temps de chambres séparées.
(Trad: Colo)
Habitaciones separadas L. García Montero
Está solo. Para seguir camino
se muestra despegado de las cosas.
No lleva provisiones.
Cuando pasan los días
y al final de la tarde piensa en lo sucedido,
tan sólo le conmueve
ese acierto imprevisto
del que pudo vivir la propia vida
en el seguro azar de su conciencia,
así, naturalmente, sin deudas ni banderas.
Una vez dijo amor.
Se poblaron sus labios de ceniza.
Dijo también mañana
con los ojos negados al presente
y sólo tuvo sombras que apretar en la mano,
fantasmas como saldo,
un camino de nubes.
Soledad, libertad,
dos palabras que suelen apoyarse
en los hombros heridos del viajero.
De todo se hace cargo, de nada se convence.
Sus huellas tienen hoy la quemadura
de los sueños vacíos.
No quiere renunciar. Para seguir camino
acepta que la vida se refugie
en una habitación que no es la suya.
La luz se queda siempre detrás de una ventana.
Al otro lado de la puerta
suele escuchar los pasos de la noche.
Sabe que le resulta necesario
aprender a vivir en otra edad,
en otro amor,
en otro tiempo.
Tiempo de habitaciones separadas
De "Habitaciones separadas " Colección Visor de poesía, p11.12
Songeuse en m'arrêtant au "sûr hasard de sa conscience". Solitude et souffrance semblent se confronter sur ce chemin de liberté.
RépondreSupprimerBonjour Tania, suivre le sûr hasard de sa conscience...c'est sans doute ce que l'on fait, avec bonheur ou pas, quand on est jeune je crois. Il y a de quoi réfléchir, oui.
SupprimerLes séparations amènent, surtout dans un premier temps, solitude et souffrance, la liberté, son plaisir, ne se constatent qu'après ai-je remarqué autour de moi.
savoir que dire "demain" est assez vain, c'est un dur apprentissage
RépondreSupprimerTrès dur, oui. "Rêves vides" écrit-il...
SupprimerTalentueux ce poème, la douleur semble explorée totalement....
RépondreSupprimerLuis Garcia Montero est un des grands poètes espagnols contemporains, j'envie son art de dire simplement et si bien, ce poème est très réussi, oui.
SupprimerBonjour Colo, je trouve ce poème d'une intensité incroyable, je crois que je vais le relire et le relire. Merci beaucoup pour cette merveilleuse découverte. à bientôt Claude
RépondreSupprimerBonjour Claude, intensité, tu as raison, plus je le relisais pour le traduire, plus je la percevais. Avec grand plaisir donc. À bientôt, oui!
Supprimerun beau poème empli de mélancolie
RépondreSupprimerBonjour Niki, oui, il nous prend ce poème qui décortique les sentiments, l'avenir.
Supprimer"Quand les jour passent et le soir, il pense à ce qui s’est produit,seule l’émeut cette réussite imprévue d’avoir pu vivre sa propre vie...":
RépondreSupprimerUne émotion et prise de conscience pas évidente quand on vient de perdre un amour
"suivant le sûr hasard de sa conscience,": un paradoxe qui semble interroger le destin, "la liberté" et l'acception d'un temps de "solitude"
Merci Colo pour ces belles découvertes.
Bises pluvieuses
fifi
Hola Fifi, LGMontero semble avoir fait de tour de la situation , nouvelle et douloureuse, du séparé. Un poème que je trouve superbe. Un beso "pleuvineur".
SupprimerQuel poème ! quelle hauteur de pensée avec cette sorte de mélancolie lucide très singulière. J'aime beaucoup (kwarkito)
RépondreSupprimerAh je suis contente que tu l'apprécies Kwarkito !
SupprimerUn très beau poème, qui dit toute la douleur d'un temps qui s'achève, sans que l'on devine encore celui qui va venir et sans même l'envisager. Bonne journée Colo, bises.
RépondreSupprimerC'est ça, oui Aifelle, ça me fait plaisir que tu l'aies apprécié. Bonne journée à toi aussi, enfin de la pluie ici.
SupprimerCoucou. Une rupture amoureuse qui terrasse, certes on en a certainement toutes et tous vécues mais dans ce poème, je retrouve certains sentiments qui m'avaient terrassée. Bises alpines.
RépondreSupprimerHola Dédé, chaque rupture est différente et je comprends bien ce que tu dis. Un beso meditarraneo
SupprimerComme j'aime ce poème qui me fait penser à Anna de Noailles. même avec les années d'écart le ton finalement est le même
RépondreSupprimerMerci Dominique, je viens de relire ou lire certains poèmes d'ellee, et oui, j'y trouve des idées communes.
Supprimer"Ses traces ont aujourd’hui la brûlure
RépondreSupprimerdes rêves vides." Combien de traces restent des brûlures des cicatrices à vif dans les nuits de nos vies!"
Traces, cicatrices, heureusement le temps atténue....Bonne soirée marie.
Supprimer"avoir pu vivre... sans dettes ni drapeaux"
RépondreSupprimerpar delà les déchirures, un beau chemin de vie.......
Tout à fait d'accord avec toi, oui, oui.
Supprimer"un chemin de nuages" dans lequel on s'enfonce jusqu'aux yeux. les ruptures quelles qu'elles soient sont ambivalentes : douloureuses mais porteuses de renouvellement. Merci Colo
RépondreSupprimerBonjour Zoë, bien d'accord, il y a des étapes à passer avant ce renouvellement, et tout n'est pas négatif, parfois c'est mème le contraire.
SupprimerBon week-end à toi.
J'aime beaucoup la 2ème strophe : "Cette réussite imprévue d'avoir pu vivre sa propre vie suivant le sûr hasard de sa conscience ainsi naturellement sans dettes ni drapeaux". Ah ! si nous pouvions y parvenir !
RépondreSupprimerC'est ma préférée aussi cette deuxième strophe, comme l'écrivait plus haut Soulilouve, "avoir pu vivre... sans dettes ni drapeaux", c'est "un beau chemin de vie".
SupprimerQu'il est difficile de tourner la page mais la vie continue et le seul chemin est celui de la fin du livre...
RépondreSupprimerUn poème très fort qui dit tout !
Bon dimanche à toi !
C'était moi l'anonyme !
RépondreSupprimerMerci Enitram, à bientôt
SupprimerBelle illustration de cet état si particulier.
RépondreSupprimerMerci pour ce texte, Colette, et bon dimanche.
Merci à vous John! Bonne semaine.
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