Chemins
du miroir
1964
Alejandra Pizarnik* (La piedra de la Locura)
l
Et
surtout regarder avec innocence. Comme si rien ne se passait, ce qui
est vrai.
ll
Mais
toi je veux te regarder jusqu’à ce que ton visage s’éloigne de
ma peur comme un oiseau du bord philosophe de la nuit.
lll
Comme
une fillette de craie rose sur un très vieux mur soudain effacé par
la pluie.
lV
Comme
quand une fleur s’ouvre et révèle le cœur qu’elle n’a pas.
V
Tous
les gestes de mon corps et de ma voix pour faire de moi l’offrande,
le bouquet qu’abandonne le vent sur le seuil.
Vl
Couvre
la mémoire de ton visage avec le masque de celle que tu seras et qui
effraye la fillette que tu fus.
Vll
La
nuit des deux se dispersa avec la brume. C’est la saison des
aliments froids.
Vlll
Et
la soif, mon souvenir est de soif, moi en bas, au fond, dans le
puits, je buvais, je me souviens.
lX
Tomber
comme un animal blessé dans le lieu qui allait être celui des
révélations.
X
L’air
de rien. De rien du tout. Bouche cousue. Paupières cousues. J’ai
oublié.
Au
dedans le vent. Tout fermé et le vent dedans.
(Trad: Colo)
* Une poètesse qui j'admire, qui me fascine aussi. Si vous avez oublié qui elle est, c'est ici
Girl at the mirror, Norman Rockwell (1954) |
CAMINOS
DEL ESPEJO, 1964
Alejandra
Pizarnik (La
Piedra De La Locura)
I
Y
sobre todo mirar con inocencia. Como si no pasara nada, lo cual es
cierto.
II
Pero
a ti quiero mirarte hasta que tu rostro se aleje de mi miedo como
un
pájaro del borde filoso de la noche.
III
Como
una niña de tiza rosada en un muro muy viejo súbitamente
borrada
por la lluvia.
IV
Como
cuando se abre una flor y revela el corazón que no tiene.
V
Todos
los gestos de mi cuerpo y de mi voz para hacer de mí la
ofrenda,
el ramo que abandona el viento en el umbral.
VI
Cubre
la memoria de tu cara con la máscara de la que serás y asusta a
la
niña que fuiste.
VII
La
noche de los dos se dispersó con la niebla. Es la estación de los
alimentos
fríos.
VIII
Y
la sed, mi memoria es de la sed, yo abajo, en el fondo, en el pozo,
yo
bebía, recuerdo.
IX
Caer
como un animal herido en el lugar que iba a ser de revelaciones.
X
Como
quien no quiere la cosa. Ninguna cosa. Boca cosida. Párpados
cosidos.
Me olvidé. Adentro el viento. Todo cerrado y el viento
adentro.
vraiment très beau - je ne connais pas du tout la poésie espagnole, merci pour cette découverte colo
RépondreSupprimerAvec grand plaisir Niki!
Supprimerça fait peur (enfin, ça me fait peur ;-))
RépondreSupprimerAh bon!
SupprimerIl est vrai que sa poésie, ses mots ne sont jamais gais, elle était hantée par la mort.
Ah oui c'est puissant. Et en peu de mots d'une efficacité redoutable. Ça cingle en quelque sorte.
RépondreSupprimerC'est exactement ça Kwarkito, chaque mot, chaque image sont chargés, concentrés et nous mènent, parfois, là où on ne voulait pas arriver.
SupprimerParfaite illustration surtout sur "le masque de celle que tu seras et effrayes la fillette que tu fus". Elle était profondément tourmentée c'est clair, mais que c'est beau.
RépondreSupprimerMerci Aifelle. Une poésie forte, qui trouble toujours celle d'Alejandra Pizarnik. Une femme dont la souffrance se lit à chaque ligne, pour moi un talent immense.
SupprimerC'est beau et troublant, merci Colo. Tu devines à qui cela me fait penser.
RépondreSupprimerBien sûr, et j'ai pensé qu'en poésie cela te ferait du bien.
SupprimerCette poétesse me donne l'impression d'être tourmentée.
RépondreSupprimer"Surtout regarder avec innocence" et je rajouterais volontiers , pour ne jamais être blasé.
Bonjour Chinou, c'est plus qu'une impression même...un profond malaise qui la mènera vers 40 ans à se suicider.
SupprimerMerci de ta visite.
je vais revenir plus tard, Colo, quand j'aurai le temps de lire calmement ces beaux textes
RépondreSupprimerbises rafraîchies :-)
Reviens quand tu veux chère Fifi.
Supprimerbesos à température idéale, 25º ici ce midi.
C'est fort, il me semble qu'il y a de la souffrance dans ces mots... Bises, à bientôt Colo. brigitte
RépondreSupprimerUne très grande souffrance Brigitte.
SupprimerBonne semaine, un beso.
Je te souhaite une belle soirée, bisous
RépondreSupprimerMerci Val, je prends mon sécateur et vais cueillir des aubergines!
SupprimerL'écriture comme exorcisme, c'est ce que je retiens de ton premier article de 2012.
RépondreSupprimerDans celui-ci, la lecture révèle un mot glaçant dans chaque vers et puis il y a le titre.
C'est beau mais c'est pathétique. Qui n'a pas connu de personnes acculées au suicide nous laissant cette sensation de grande souffrance et d'impuissance?
Je t'embrasse Colo, toi qui es si pleine de vie et de joie.
L'écriture était en effet, du moins elle le vivait ainsi, la seule façon de mal-survivre.
SupprimerNe t'en fais pas, cela ne correspond pas à mon état d'esprit du moment, seulement la littérature et la poésie contiennent énormément de cris de désespoir et de souffrance, et je ne veux pas limiter ce blog et mes lectures à ce qui "fait du bien".
Je t'embrasse Maïté.
bouche cousue, paupières cousues : brrr cela me donne un peu la chair de poule mais quelle poète superbe
RépondreSupprimerDes images très fortes, oui Dominique!
SupprimerC'est magnifique... si simple mais complet aussi... intense. Merci!
RépondreSupprimerUne grande poétesse, aucun doute, comme je le dis plus haut, j'y reviens toujours.
SupprimerMerci à toi!
DEUX FRAGMENTS +
RépondreSupprimerJe ne connais pas les oiseaux,
je ne connais pas l’histoire du feu.
Mais je crois que ma solitude devrait avoir des ailes.
La solitude
La solitude ne peut être dite
Car on ne peut en faire le tour
Car on ne peut lui mettre un nom
Car on ne peut le faire comme pour un paysage.
la solitude est mélodie brisée de mes phrases.
"La mélodie brisée de mes phrases", superbe.
SupprimerEt les ailes de la solitude, et...grand merci K.
Bonsoir chère Colo, merci pour ces magnifiques mots, je découvre et j'aime beaucoup.
RépondreSupprimerJe te souhaite un beau week-end en douceur avec mes bisous ♥
Bon dimanche chère Denise, besos
SupprimerJ'ai lu et relu, je trouve les mots révoltés. Mais cela soulage de dire , ce qui nous étreint. Les mots sont un baume pour soi, quand ils sont dits pour extirper ce qui est en nous, au fin fond de nous même. Belle nuit Colo.
RépondreSupprimerBonjour Bizak, la poésie d'A.Pizarnik est, tu as raison, un cri de souffrance qui lui est indispensable, qui la soulage un peu peut-être aussi. Arriver à dire...
SupprimerBon dimanche, merci de ta visite.