"L'écrivain Almudena Grandes revendique le rôle de la mémoire et le journalisme dans la défense de la liberté et de la pluralité lors de la remise des prix Ortega y Gasset 2009"
Source: http://sociedad.elpais.com/sociedad/2009/05/18/actualidad/1242597614_850215.html
"J’ai
appris de ma tante Charo qu’en Espagne il y avait une chose qui
s’appelait la censure et qui rendait malheureux des gens qui ne le
méritaient pas. Il est juste que ce fût d’elle que je l’apprenne,
car ce fût elle aussi qui m’apprit à lire les journaux. Elle en
achetait plusieurs par jour, certains le matin, d’autres
l’après-midi, et elle les lisait avec un appétit minutieux,
détendu, plaisir printanier de qui savoure une glace une soirée de
mai, allumant une Chestefield avec le bout de la précédente, et
sautant toujours, religieusement, les articles d’opinion. - Et
pourquoi croient-ils ceux-là que je dépense tant d’argent en
journaux? - disait-elle entre temps -. Mais pour me former ma propre
opinion bien sûr, comme si j’avais besoin de connaître la leur!
Ces
jours où l’odeur de fumée se confondait à l’arôme âpre et
encré du papier journal m’ont appris que la mémoire de la
liberté, c’est la liberté.
La
liberté sans mémoire, une fleur de serre, fragile et anémique,
faible, délicate, peut-être intéressante par sa pâleur mais
toujours exposée à échouer au moindre contretemps, changement de
température, arrosage inadéquat, un simple courant d’air. Moi je
le sais parce que j’ai grandi dans un pays sans liberté, mais j’ai
vu comment resplendissait sa mémoire dans les yeux de certaines
femmes de ma famille qui, en l’évoquant, redevenaient jeunes,
heureuses, et aussi libres qu’elle l’avaient été un jour.”
"La escritora Almudena Grandes reivindica el papel de la memoria y el periodismo en la defensa de la libertad y la pluralidad en su discurso en la entrega de los premios Ortega y Gasset 2009"
Fuente: http://sociedad.elpais.com/sociedad/2009/05/18/actualidad/1242597614_850215.html
“Yo aprendí de mi tía Charo que en España había una cosa que se llamaba censura y que hacía infeliz a gente que no se lo merecía. Justo fue que lo aprendiera de ella, porque ella fue también quien me enseñó a leer periódicos. Todos los días compraba varios, unos por la mañana, otros por la tarde, y los leía con un apetito minucioso, relajado, el placer primaveral de quien paladea un helado en una tarde de mayo, encendiendo un Chesterfield con la colilla del anterior, y saltándose siempre, religiosamente, los artículos de opinión. - ¿Y para qué se creerán estos que me gasto yo tanto dinero en periódicos? -decía mientras tanto-.
¡Pues
para formarme mi propia opinión, naturalmente, ni que me hiciera
falta conocer la suya!
Aquellos
días en los que el olor del humo se confundía con el aroma áspero
y entintado del papel de periódico, me enseñaron que la memoria de
la libertad, es libertad.
La
libertad sin memoria, una flor de invernadero, frágil y anémica,
débil, delicada, interesante quizás en su palidez, pero expuesta
siempre a fracasar por cualquier contratiempo, un cambio de
temperatura, un riego inadecuado, una simple corriente de aire. Yo lo
sé porque crecí en un país sin libertad, pero vi cómo
resplandecía su memoria en los ojos de algunas mujeres de mi
familia, que al evocarla, volvían a ser jóvenes, felices, y tan
libres como fueron una vez.”