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4 mai 2016

Lève-toi et vis! / ¡Levántate y vive!


Je crois que la vérité est parfaite pour les mathématiques, la chimie, la philosophie, mais pas pour la vie. Dans la vie, l’illusion, l’imagination, le désir, l’espoir comptent plus. (Ernesto Sabato)
(lu sur le bog de Lali)

 


Qué costumbre tan salvaje...
Quelle coutume si sauvage...


Jaime Sabines


¡Qué costumbre tan salvaje esta de enterrar a los muertos!, ¡de matarlos, de aniquilarlos, de borrarlos de la tierra! Es tratarlos alevosamente, es negarles la posibilidad de revivir. 
Yo siempre estoy esperando a que los muertos se levanten, que rompan el ataúd y digan alegremente: ¿por qué lloras? 
Por eso me sobrecoge el entierro. Aseguran las tapas de la caja, la introducen, le ponen lajas encima, y luego tierra, tras, tras, tras, paletada tras paletada, terrones, polvo, piedras, apisonando, amacizando, ahí te quedas, de aquí ya no sales.
Me dan risa, luego, las coronas, las flores, el llanto, los besos derramados. Es una burla: ¿para qué lo enterraron?, ¿por qué no lo dejaron fuera hasta secarse, hasta que nos hablaran sus huesos de su muerte? ¿O por qué no quemarlo, o darlo a los animales, o tirarlos a un río? 
Había de tener una casa de reposo para los muertos, ventilada, limpia, con música y con agua corriente. Lo menos dos o tres, cada día, se levantarían a vivir.
Jaime Sabines

Quelle coutume si sauvage que celle d'enterrer les morts!, de les tuer, de les néantiser, de les effacer de la terre! C'est les traiter traîtreusement, c'est leur nier la possibilité de revivre.
 Moi j'attends toujours que les morts se lèvent et brisent le cercueil et disent joyeusement: pourquoi pleures-tu?
C'est pour cette raison que l'enterrement m'effraye. On assujettit le couvercle, l'introduit, lui met la pierre dessus, et puis de la terre, tras, tras, tras, pelletée après pelletée, mottes, poussière, pierres, tassant, solidifiant, tu restes là, de là tu ne sors plus.
Après, les couronnes, les fleurs, les pleurs, les baisers me font rire. C'est une moquerie: pourquoi l'ont-ils enterré?, pourquoi ne l'ont-ils pas laissé dehors jusqu'à ce qu'il sèche, jusqu'à ce que ses os nous parlent de sa mort? Ou pourquoi ne l'ont-ils pas brûlé, ou donné aux animaux, à un fleuve?

Il faudrait qu'il y ait une maison de repos pour les morts, ventilée, propre, avec de la musique et de l'eau courante. Il y en aurait au moins deux ou trois qui, chaque jour, se lèveraient pour vivre.

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Curieusement je n'ai trouvé aucune biographie online de ce grand poète mexicain du XXºs. En voici une en anglais: http://francais.agonia.net/index.php/author/0009497/index.html#bio
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Envoyé par Pascale, ce poème de Lorenzo Mabili, MERCI!
 
                        Heureux les morts qui oublient l’amertume de la vie
                        Quand le soleil se couche et que l’ombre envahit la terre,
                        Quelle que soit ta douleur, ne pleure pas les morts.
                        C’est l’heure où ils ont soif et vont boire
                        À la source cristalline de l’oubli.
                        Mais si une seule larme coule en leur mémoire
                        Des yeux de ceux qui sont vivants, l’eau se trouble ;
                        Et si les morts boivent de cette eau troublée,
                        Eux aussi, transitant par les champs d’asphodèles,
                        Se rappellent l’ancienne douleur.
                        Si tu ne peux t’empêcher de pleurer,
                        Que tes larmes ne coulent pas sur les morts, mais sur les vivants :
                        Ceux-ci voudraient oublier mais ne le peuvent.
 

28 commentaires:

  1. c'est vrai qu'on n'aime ni l'idée ni la vue d'un être cher qu'on descend dans un trou, enfermé entre des planches solidement vissées, et qu'on recouvre de terre... j'ai pensé des choses similaires à chaque fois que j'ai dû y assister.

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  2. Faire lever les morts ! C'est ce que fait la littérature non ?

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    1. Exactement! Et la poésie: Jaime Sabines a écrit un long et magnifique poème sur la mort/vie de son père.

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  3. La citation de Ernesto Sabato me plait car il y a du vrai dans ce qu'il dit. Oui cela fait mal de voir un corps enfermé dans un cercueil et ensuite le cercueil dans un trou que l'on recouvre de terre. Mais..... on ne peut pas faire autrement, ce n'est pas poétique j'en conviens... Bonne soirée et merci de ton passage.

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    1. J'ai de loin été moins perturbée par mes parents incinérés puis leurs cendres répandues sous un bel arbre que par ma grand-mère enterrée...le trou, le noir, l'enfermement sans doute.
      Bonne soirée à toi aussi et merci de me rendre cette visite!

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  4. De belles réflexions à avoir à la lecture de ton article! Bisous

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    1. L'imagination, l'espoir...des qualités dont tu es bien pourvue! Je me lèche les babines en te regardant préparer ces plats si savoureux.
      Un beso pour toi aussi.

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  5. C'est à Madagascar je crois que l'on ressort régulièrement les morts, il faudrait que je me penche sur cette coutume qui collerait aux réflexions de ce poète. C'est vrai ce qu'il dit, on n'y réfléchit pas assez (moi en tout cas).

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    1. Je l'ignorais Aifelle, et oui c'est fort intéressant.
      Bonne journée, soleil ici et chez vous aussi je crois.

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  6. Merci. C'est un beau texte que je vais certainement recopier.
    Bon week end de l'Ascension.

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    1. Et bien ici ce jeudi de l'Ascension a été enlevé des jours féries, oui; dans ce pays soit disant si catholique, on travaille aujourd'hui.

      Merci d’apprécier, bonne journée.

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  7. Pourquoi les morts ne s'allègent-ils pas pour monter vers le ciel comme des ballons ? Les corps retournent à la terre, d'une manière ou d'une autre - dans les vieux chalets suisses, on ouvre une fenêtre pour laisser s'envoler leur âme.
    Ascension, pour moi, veut dire visite au cimetière - heureusement le ciel est magnifiquement bleu. (Les Espagnols préfèrent fêter/férier l'immaculée conception, on se demande pourquoi.)

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    1. Cette idée qu'ils sont mieux au ciel qu'en terre...moins stressant en effet! Je suis sûre que c'est déjà fait, mais les coutumes des uns et des autres par rapport aux corps (et âmes) vaut la peine d'être étudiées.

      Je n'ai pas la réponse pour l'immaculée, ni le pourquoi de ces fêtes religieuses dans des pays "laïques" d'ailleurs.
      Je suppose que le cimetière sera joliment fleuri...un beso Tania!

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  8. Entendu un jour cette expression "Debout les morts, on change de cimetière !" Il me semble que la personne voulait dire que parfois nous voudrions que les choses évoluent, mais que nous ne prenons pas les véritables moyens. N'empêche, je rigole toujours en y repensant ! Bisous Colo

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    1. Très drôle!
      Ça me rappelle le cimetière du petit village belge où vivaient mes parents. Le mur s'était écroulé à un endroit et un habitant facétieux avait mis un écriteau: "Trou par lequel les morts font le mur".
      Un beso Lily, contente de te lire.

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  9. Bonjour Colo,
    D'une culture à l'autre, le traitement des morts est bien différent. Mais aujourd'hui, c'est l'Ascension, preuve qu'il reste toujours une échappatoire !

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  10. Pour toi Danièle qui reviens de voyage: “Partir, c'est mourir un peu. Poursuivre le voyage, c'est peut-être ressusciter. Le vrai voyageur, c'est celui qui jamais ne tente de revenir en arrière.”Jacques Renaud, "en d'autres paysages"
    Échappons donc..un temps!

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  11. sable du temps6 mai 2016 à 11:25

    Je veux partir ... en fumée !

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    1. Notre cheminée est grande...viens!!!! hihihi.

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  12. Etre momifié, encore une autre tradition...Aussi pour faire revivre le mort ?
    Enfermée dans un trou ou réduite en cendres, je n'ai pas encore choisi !!!

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    1. Mais oui,quoique par ici ça se fait fort peu!

      Dans de nombreux pays on met à côté du mort nourriture, argent, boissons...le voyage risque d'être long!

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  13. Bonsoir Colo
    un texte saisissant qui nous ramène à nos réflexions sur la mort, sur nos morts et sur nous-mêmes.
    Pour ma part, j'ai eu beaucoup de mal à apprivoiser les cimetières et je vois d'un autre œil maintenant la crémation. Mais je me raccroche à l'idée qu'il faut être positif et laisser partir les morts, leur âme en quelque sorte. Je pense aussi qu'en parlant d'eux, en perpétuant leur souvenir on leur permet de continuer à vivre.
    Je t'embrasse, chère Colo.

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    1. Bonjour Maïté, c'est en "prenant de l'âge" qu'on y pense de plus en plus...du moins c'est mon cas.
      Faire revivre les disparus par la parole, l'art, la littérature...
      Je t'embrasse aussi, bonne journée

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  14. La riche phrase de Ernesto Sabato appelle tant de réflexions qu'il faudrait un livre entier – que dis-je une vie entière ? – pour lui apporter les commentaires adéquats.
    Qui pourra dire qu'il a su vivre heureux des seules rigueurs de la vérité ? Qui, au dernier soupir, n'aura de regret d'avoir toujours vécu d'espoir et de rêve ? L'illusion adoucit l'âpreté des vérités et lorsque passions et émotions nous emportent, il est heureux qu'un fil nous ramène près d'un rivage tiède.
    Mais ces phrases, l'ordre choisi de mes propositions, appartiennent à l'univers d'une vérité, déjà.

    Allez poète, prends ton luth et chante avec les morts !

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  15. Merci pour ce beau commentaire, naviguer entre vérité et rêves-illusions est une grande sagesse, oui.
    Bon week-end, enfin du beau temps ici, chacun son tour!

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  16. Tes billets récents me chamboulent. Je passe, je les lis, puis je m'échappe sur la pointe des pieds. Qu'il est beau le texte proposé par Pascale !
    C'est ce que j'ai ressenti lorsque, en toute conscience, j'ai laissé repartir mon papa, vers son ailleurs.

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    1. Son, leur ailleurs...j'étais présente lors de la mort de mon père. Juste après et pendant des heures, j'ai "senti" son âme ou esprit flotter dans la pièce. Curieuse impression, très marquante.
      Merci Lou, me voilà chamboulée à mon tour.

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