Pages

11 mars 2014

Des dahlias frais / Dalias frescas



Juana de Ibarbourou (1889-1979). Uruguay

Une des voix les plus personnelles de la lyrique hispanoaméricaine du début de XXº siècle; la poétesse sans doute la plus connue dans cette partie du monde. 
Una de las voces más personales de la lírica hispanoamericana de principios del siglo XX; la poetisa tal vez más conocida en esta parte del mundo.
J'ai choisi deux poèmes, sensuels, entre rires et larmes.
Elegí dos poemas, sensuales, entre lágrimas y risas. 
 

















L'heure

Prends-moi maintenant qu'il est encore tôt
Et que je porte des dahlias frais à la main.
Prends-moi maintenant qu'est encore sombre
Cette taciturne chevelure qui est mienne.
Maintenant, que j'ai la chair odorante.
Et les yeux clairs et la peau rose.
Maintenant que mon pied léger chausse
La sandale vive du printemps.
Maintenant, que sur mes lèvres carillonne le rire
Comme une cloche à toute volée secouée.
Après....ah, je sais
Que rien de cela après je n'aurai! 
(Trad: Colo) 

Julio Alpuy Uruguay


La hora.
Tómame ahora que aún es temprano
Y que llevo dalias nuevas en la mano.
Tómame ahora que aún es sombría
Esta taciturna cabellera mía.
Ahora, que tengo la carne olorosa.
Y los ojos limpios y la piel de rosa.
Ahora que calza mi planta ligera
La sandalia viva de la primavera.
Ahora, que en mis labios repica la risa
Como una campana sacudida a prisa.
Después...¡ah, yo sé
Que ya nada de eso más tarde tendré!


 
Dépit



Ah, que je suis fatiguée! J'ai tant ri,

tant, que des larmes ont jailli de mes yeux;

tant, que ce rictus qui fige ma bouche

est une étrange trace de mon fou rire.



Tant, que mon intense pâleur

(comme dans les portraits de haute lignée)

est dûe à la fatigue du fou rire

qui en moi infiltre sa somnolence.



Ah, que je suis fatiguée! Laisse-moi dormir;

car, tout comme l'angoisse, la joie blesse.

Quand m'as-tu vue plus gaie que maintenant?



Mensonge! Je n'ai ni doutes, ni envies,

Ni inquiétudes, ni angoisses, ni peines, ni souhaits,

Si brille dans mes yeux l'humidité des pleurs,

c'est l'effort de tant rire ...


(trad: Colo)

Julio Alpuy (Uruguay) Adan y Eva

DESPECHO

¡Ah, qué estoy cansada! Me he reído tanto,
tanto, que a mis ojos ha asomado el llanto;
tanto, que este rictus que contrae mi boca
es un rastro extraño de mi risa loca.

Tanto, que esta intensa palidez que tengo
(como en los retratos de viejo abolengo)
es por la fatiga de la loca risa
que en todo mi cuerpo su sopor desliza.

¡Ah, qué estoy cansada! Déjame que duerma;
pues, como la angustia, la alegría enferma.
¡Qué rara ocurrencia decir que estoy triste!
¿Cuándo más alegre que ahora me viste?

¡Mentira! No tengo ni dudas, ni celos,
Ni inquietud, ni angustias, ni penas, ni anhelos,
Si brilla en mis ojos la humedad del llanto,
es por el esfuerzo de reírme tanto..
.




34 commentaires:

  1. " Cueillez dès aujourd'hui ... " !
    Hymne au plaisir très poétique. Course contre la montre, urgence. Demain la beauté fanée des vieilles femmes, la solitude.
    J'aime beaucoup le premier tableau, encore ce temps qui m'interpelle !
    Bonne journée Colo, je t'embrasse fort.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le temps....un temps où on mourait jeune, on était vieux, jeune, et il fallait faire vite, c'est bien cela Sable.
      J'ai pensé à toi, bien sûr, en mettant ce tableau!
      Excellente journée à toi aussi, muchos besos

      Supprimer
  2. Très beau poème de l'heure aux dahlias frais, et quelle intensité dans "Dépit" !
    Juana de Ibarbourou, un nom à retenir.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Spécialement pour toi ces dahlias chère Tania!
      Juana de Ibarbouroru, appelée généralement Juana de América, est parfois comparée à Anne de Noailles.
      Bonne journée, un beso

      Supprimer
  3. j'aime particulièrement ces dahlias là !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On nage en pleine poésie, chez toi, chez Aifelle, c'est délicieux!

      Supprimer
  4. Deux poèmes superbes qui permettent de faire connaissance .. je ne la connaissais pas, mes lacunes sont abyssales ! Elle me paraît plus directe qu'Anna de Noailles, mais la comparaison fait peut-être référence à leur histoire.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense comme toi Aifelle, sur la forme Anna et Juana sont fort différentes, mais regarde par exemple ce début de poème de A. de Noailles; sur le fond, le thème, les rapprochements sont possibles.
      L'ardeur
      Rire ou pleurer, mais que le coeur
      Soit plein de parfums comme un vase,
      Et contienne jusqu'à l'extase
      La force vive ou la langueur.

      Avoir la douleur ou la joie,
      Pourvu que le coeur soit profond
      Comme un arbre où des ailes font
      Trembler le feuillage qui ploie ;
      (...)

      Supprimer
  5. J'imagine bien Rossy de Palma susurrant le premier, goulûment. Quant au second, les fou-rires de l'enfance qui étaient connus chez moi, et souvent en classe.
    Il y a peu, j'ai reconnu cette joie.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah, l’image de Rossy goulue me plaît bien! Sais-tu qu'elle est née à Majorque?
      Délicieux fou-rires, j'en pique encore parfois aussi, souvent avec mes élèves; ils disent parfois, san s'en rendre compte, de vraies perles!
      Je suis bien contente que tu fasses de même, ça fait tant de bien!

      Supprimer
  6. J'aime bien le rire qui carillonne sur ses lèvres !!!
    Une belle découverte ! Ses livres sont-ils traduits en français ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je n'ai rien trouvé en français d'elle sur la toile, mais je n'ai pas fait de recherches exhaustives Enitram.
      Une journée-rires alors?

      Supprimer
  7. Maintenant que mon pied léger chausse
    La sandale vive du printemps.
    Lire cela, c'est aujourd'hui mon bonheur du jour.... Accepteriez-vous que je le publie sur mon blog ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce sera un plaisir et et honneur cher Bonheur!
      Amicalement.

      Supprimer
  8. Entre rires et larmes entre tôt et trop tard, nos vies tout en contrastes et émotions...
    Merci Colo de nous offrir ces mots !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Essayer de vivre en équilibre, harmonie entre tous ces extrêmes Fifi..
      Merci d'être passée, bonne journée.

      Supprimer
  9. Ah, la sandale vive du printemps : tu ne pouvais rien publier de plus approprié. Ce poème est une pure merveille comme toi seule sait les dénicher. Merci et si heureuse de repasser plus souvent par ici.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Aujourd'hui il pleut à sauts, "cats and dogs"! Excellent!
      Avant de "partir" en Uruguay, je n'avais jamais entendu parler de cette poétesse, archi connue pourtant...bien contente de te revoir par ici Delphine, un beso!

      Supprimer
  10. Bonsoir Colo, voici deux magnifiques poèmes et le second me fait remonter des souvenirs d'écolière en primaire de la deuxième à la septième année. Durant toute ces années, j'avais une amie et chaque année, nous étions assises côte à côte avec des pupitres dont on pouvait soulever le couvercle :-). Nous avions tant de fous rires que nous levions le dessus du pupitre pour rire aux larmes dedans et tant mal au ventre de rire.

    Merci chère Colo pour ces deux merveilleux poèmes et pour les deux très belles toiles.
    Belle soirée avec mes bises!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Denise, je me replonge en riant derrière ces couvercles en bois, merci de me le rappeler!
      Mal au ventre et yeux mouillés d'hilarité!

      Excellente journée à toi, un beso!

      Supprimer
  11. Réponses
    1. Bien d'accord avec toi....bonne journée Bacchante.

      Supprimer
  12. Après une telle ode à la sensualité, comment ne pas la "prendre" maintenant...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'injonction est forte, en effet!
      merci de ta visite, bonne journée.

      Supprimer
  13. De la passion pour l amour tout court et pour la vie en son ensemble.
    Que serions nous sans le rire bienfaisant qui vient par vagues et va jusqu aux larmes. De belles images, notamment celle de la sandale légère... hum hum! Pour ma part je l aime de vent et d embruns. Des dahlias, des frissons et une impulsion de vers qui ne pouvaient que me plaire. Idem pour le tableau bien choisi.
    Toujours de belles découvertes et de beaux voyages poétiques en terre hispanisante.
    Merci COLO.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Maïté, hum, oui, les sandales ce sera plus tard pour toi! mais le rire et la poésie, les fleurs, toujours.
      Je suis contente de savoir que ces voyages te plaisent, nous avons encore beaucoup de pays à visiter...Le Venezuela est en pleins conflits, le Mexique, oh pauvres gens...enfin, nous irons nous y balades.
      Je t'embrasse fort, courage et patience ma belle.

      Supprimer
  14. Merci Colo pour ces belles découvertes. L'heure est superbe, il est un hymne à la vie qui jaillit en une douce sensualité printanière, il se réfère au temps qui passe, l'heure est l'instant qu'il faut saisir avant que le temps n'adoucisse l'immaculée fraîcheur !
    Dépit parle aussi,de ce trop plein de bonheur qui nécessite de se ressourcer d'avoir tant ri !
    Le tout superbement illustré, autant de découvertes de la culture hispanique que j'apprécie de trouver ici.
    Merci pour cette patiente et judicieuse recherche !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est un vrai plaisir Serge, je découvre un peu avant vous, c'est tout! :-)
      Le ciel n'est pas riant ici depuis quelques jours, gris, gris, mais rira bien qui rira le dernier!
      Excellent week-end...en photos pour toi?

      Supprimer
    2. Pour une fois, j'ai ma revanche, le ciel est résolument bleu et la température très douce !
      Bon Week-end Colo !

      Supprimer
  15. Beaucoup de choses à faire, à vivre pendant qu'il est temps ! Courir, faire du vélo, du cheval. Randonner en montagne à plus de 3000 m ou descendre une rivière en kayak ... La sensualité n'échappe pas aux lois du temps. Mais je crois que l'on peut se réjouir assez longtemps de l'étape où on se trouve. Sans attendre "plus tard" comme autrefois, mais sans regrets trop appuyés pour ce qui n'est plus. Puisque autre chose pointe ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh, tu parles qu'il y a des choses à faire Lily, pour moi elles seront plus tranquilles que l'escalade, mais les idées ne manquent pas....et sans regrets, non!
      Tu as raison, on ne peut plus trop postposer, là se trouve la grande différence...
      Bon week-end, un beso

      Supprimer
  16. Merci pour la découverte !
    Le poème l'heure est une petite merveille, ma chevelure n'est plus sombre mais je chausse encore avec plaisir la sandale vive du printemps !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh moi de même chère Marcelle!
      Merci de ton passge primesautier ici!

      Supprimer
  17. Es delicioso !
    C'est oun deliz de la lire ... sourire

    Je devrais profiter de ma pâle heure pour être prise sur le vif ! je veux dire en pleine plantation de roses ! de bon matin, auvent du printemps !

    Bisous fraîcheur du jour !

    RépondreSupprimer