À
la recherche d'un dernier poème canarien, je lis celui-ci.
Chants de beaucoup de ports
Hier
j'ai quitté ma patrie, et rien ne fit trembler mes paupières.
Et
l'âme resta tranquille, apaisée,
attendant,
sereine, un horizon moins peuplé d'ombres...
Je
considère mon puissant effort
comme
celui de l'aigle royal qui fuirait
l'endroit
où le chasseur le poursuivait
et
va terminer son vol au loin sur un abrupt rocher
inconnu.
Et
celui-là sera son nid, et c'est là qu'elle aura ses enfants,
et
sur ce rocher hospitalier
elle
créera ses amours et sa patrie...!
La
patrie est une voix absurde des temps médiévaux.
C'est
l'état d'âme des êtres qui dicte la patrie.
La
patrie est celle qui tend la main au marcheur;
la
patrie est ce sol où l'on trouve rédemption et courage;
la
patrie est une terre, proche ou lointaine,
où
l'on sèche des larmes brûlantes
et
où elles se transforment en baisers ardents...!
“La
patrie”.
(Trad: Colo)
Mercedes
Pinto (Tenerife 1883-1976 Mexico)
“Cantos
de muchos puertos”
“Salí ayer de mi patria, y ni un temblor estremeció mi párpados.
Y el alma permaneció tranquila sosegada,
esperando, serena, un horizonte con menos sombras...
“Salí ayer de mi patria, y ni un temblor estremeció mi párpados.
Y el alma permaneció tranquila sosegada,
esperando, serena, un horizonte con menos sombras...
Yo
considero mi potente esfuerzo
como el del águila caudal, que huyese
de donde el cazador le persiguiera
y va a parar su vuelo, en una roca abrupta en lejanía
que nunca conociera.
como el del águila caudal, que huyese
de donde el cazador le persiguiera
y va a parar su vuelo, en una roca abrupta en lejanía
que nunca conociera.
¡Y
aquél será su nido, y allí tendrá sus hijos,
y sobre aquella roca hospitalaria
creará sus amores y su patria...!
La patria es voz absurda de tiempos medievales.
El estado del alma de los seres dice cuál es la patria.
¡La patria es la que tiende la mano al caminante;
la patria es aquel suelo donde se encuentra redención y aliento;
la patria es una tierra, cerca o lejana,
donde se enjugan lágrimas candentes
y se convierten en ardientes besos...!”
«La patria»
y sobre aquella roca hospitalaria
creará sus amores y su patria...!
La patria es voz absurda de tiempos medievales.
El estado del alma de los seres dice cuál es la patria.
¡La patria es la que tiende la mano al caminante;
la patria es aquel suelo donde se encuentra redención y aliento;
la patria es una tierra, cerca o lejana,
donde se enjugan lágrimas candentes
y se convierten en ardientes besos...!”
«La patria»
Mercedes
Pinto (Tenerife 1883-1976 Méjico)
Cristino de Vera (Tenerife 1931- ) |
Si
ce poème n'est pas trop intéressant du point de vue littéraire, le
sujet, lui, l'est.
En
tout cas le démon de la curiosité me presse : que lui est-il
arrivé? qui l'a exilée? qui était le chasseur...?
Une
enquête s'impose.
Née
à Tenerife dans une famille aisée, elle publie dès ses 14 ans des poèmes dans
des journaux et revues locaux et est appelée “la poétesse
canarienne”.
Une
étape noire de sa vie commence en 1909: elle se marie et a trois
enfants avec un homme atteint de paranoïa et qui a des comportements
violents. Ceci amènera cela.
Elle
réussit à le faire interner à Madrid où elle va habiter avec ses
enfants. Après un temps il réussit à s'en échapper mais elle
refuse de suivre à Tenerife cet “irresponsable”.
Mercedes
s'introduit dans les cercles littéraires et intellectuels. C'est une
républicaine à l'esprit progressiste qui a une conscience
féministe: un jour elle fait une conférence intitulée “ Le
divorce comme mesure hygiénique” un texte très osé dans le
contexte d'alors.
Pensez
que l'Espagne, très catholique, vit sous la dictature de Primo de
Rivera. Inutile de vous dire que ce dernier n'a pas apprécié ses
idées et il décide de l'exiler.
Prévenue
par ses amis elle prend les devants et part d'elle même en Uruguay
en 1924 . Elle y est bien accueillie et une nouvelle vie, très
active, commence pour elle et sa famille.
Voilà
donc l'explication du poème.
Mais
je découvre autre chose.
En
1926 elle publie EL, histoire de Francisco, un psychotique paranoïaque
que la jalousie obsessive pousse à harceler une femme.
Impossible
de ne pas y deviner une partie de son vécu. Ce texte a fasciné
Luís Buñuel qui en a fait un film du même nom. Il n'a pas eu de
succès à l'époque mais est un de ses chefs-d’œuvre, le film que
lui-même préférait aussi paraît-il.
J'arrête
ici mais prenez le temps de regarder le film en entier...terrible.
Parfait.
Este
poema parece poco interesante desde un punto de vista literario, otra
cosa es el asunto.
En
cualquier caso el demonio de la curiosidad me empuja: ¿qué le ha
pasado? ¿quién le ha exiliado? ¿quién era el cazador...?
Una
pesquisa se hace necesaria.
Nacida en Tenerife
en una familia acomodada, a partir de los 14 años publica poemas en
periódicos y revistas locales y la llaman la “poetisa canaria”
Una
etapa negra de su vida comienza en 1909: se casa y tiene tres hijos
con un hombre que padece de paranoia y que tiene comportamientos
violentos. Eso explica aquello.
Acaba
por hacerlo internar en Madrid donde va a vivir con sus hijos. Al
cabo de un tiempo su marido se escapa pero ella se niega a seguir a
Tenerife a ese “irresponsable”.
Mercedes
se introduce en los círculos literarios e intelectuales. Es una
republicana con un espíritu progresista que tiene una conciencia
feminista: un día da una conferencia titulada “El divorcio como
medida higiénica” un texto muy atrevido en el contexto de la
época. Hay que pensar que España, muy católica, vive bajo la
dictadura de Primo de Rivera. No hace falta decir que este ultimo no
apreció sus ideas y decide exilarla. Avisada por sus amigos toma la
delantera y se marcha a Uruguay en 1924. Fue bien acogida y una nueva
vida, muy activa, empieza para ella y su familia.
Esa
es la explicación del poema.
Pero
descubro otra cosa.
En
1926 publica EL, la historia de Francisco, un psicótico paranoico
cuyos celos obsesivos le llevan a acosar a una mujer.
Imposible
no adivinar una parte de sus vivencias. Ese texto fascinó a Luis
Buñuel a partir del cual realizo una película con ese mismo nombre.
No tuvo éxito en su tiempo pero es una de sus obras maestras y según
parece, la película que él mismo prefería.
Aquí
me paro pero tomad el tiempo de mirar la película entera...terrible.
Perfecta.
Foto: http://anuncios.ebay.es/otros-libros-revistas/vida-y-obra-de-cristino-de-vera-11840572.htm?vipv=fotos&vipn=5
un destin qui pourrait s'inscrire dans le thème de l'adversité, quel courage il faut parfois aux femmes !!
RépondreSupprimerCette vie avec un homme malade me fait penser à un roman que je viens de lire sur un savant fou et dont je fais un billet dans quelques jours, pas étonnant que ce destin ait intéressé Buñuel
D'après tout ce que j'ai lu ce n'est pas le destin de la femme qui a intéressé Buñuel mais la jalousie maladive de l'homme, sujet qu'il a analysé à la loupe dans le film!
SupprimerJe lirai ton billet attentivement, tu penses!
Belle journée Dominique.
Je me trompe peut-être mais il me semble que sur sa pierre tombale il est écrit "Segura de aciertos e innovaciones" et ce serait de Pablo Neruda
RépondreSupprimerMais je dis bien je me trope peut-être c'est un vague souvenir que j'ai et je n'ai rien retrouvé à ce sujet.
Bonne journée
Bises
Tu ne te trompes pas, ils étaient grands amis et l'épitaphe entière serait:
Supprimer"Mercedes Pinto vive en el viento de la tempestad.
Con el corazón frente al aire. Enérgicamente sola.
Urgentemente viva. Segura de aciertos e invocaciones.
Temible y amable en su trágica vestidura de luz y llamas."
Merci Autourdupuits, belle journée à toi aussi.
EL et sa présentation par le Ciné-club de Caen :
RépondreSupprimer- "Selon les déclarations de Buñuel, El est un de ses films préférés à cause de sa précision documentaire. D'ailleurs le professeur Jacques Lacan utilisa El dans un de ses cours à l'hôpital Sainte-Anne, pour illustrer l'étude d'un cas de paranoïa à partir des signes décrits par Buñuel : l'hypertrophie de l'orgueil, l'obsession de la justice, la jalousie démesurée et la fameuse marche en S qui clôt le film. Buñuel y avait ajouté une variante toute personnelle avec le fétichisme du pied.
Une apparence de mélodrame mondain sert de contexte à la genèse et à la progression de la paranoïa. Comme à son habitude, Buñuel en profite pour fustiger avec humour une certaine bourgeoisie cléricale. Francesco est un malade mental et sa femme, sans doute peu renseignée sur les pratiques sexuelles est la seule à faire les frais de sa manie. Soumise au pouvoir maritale, celle-ci est persécutée, menacée de mort et de sévices, comme une de ces héroïnes, vertueuses et donc condamnées, du marquis de Sade.
L'acteur Arturo de Cordova était connu au Mexique pour sa manière de souligner les effets jusqu'aux limites du ridicule dans de médiocres produits commerciaux. Buñuel a su malicieusement utiliser ce registre..."
Grand merci JEA, ceci résume parfaitement le film, le jeu des acteurs, l'ironie de Buñuel aussi. J'ai lu, mais est-ce vrai?, que lui-même était un grand jaloux...
SupprimerÀ très bientôt, joli soleil ici.
La paranoïa ... Orgueil démesuré, méfiance, jalousie excessive, plus violence ... Tout cela fait peur. Il y a longtemps que je n'ai pas regardé de films de Buñuel. Je vais essayer de le regarder sur grand écran.
RépondreSupprimerOui, Lily, un personnage qu'il vaut mieux connaître en film que dans sa vie, dans son lit.
SupprimerJe l'ai regardé en "plein écran" sur mon ordinateur; ce serait bien mieux au cinéma, mais...
Bonne journée.
"Pas très intéressant du point de vue littéraire" mais moi j'adore ce poème, Colo !
RépondreSupprimer"La patrie est celle qui tend la main au marcheur" : franchement, j'ai l'impression qu'elle parle de moi qui me suis aussi sentie appelée de cette manière par une autre patrie !
Mercedes des Pinto : encore un nom que je vais retenir.
Forcément ce poème m'a parlé puisque je l'ai retenu, mais ce n'est pas pour sa forme mais pour les idées, les réflexions qu'il inspire.
SupprimerL'important est que tu aies trouvé un "rocher hospitalier".
Sinon, oui, une femme fort intéressante.
Merci de ta visite, belle journée.
C'est une histoire incroyable... Merci pour votre curiosité.
RépondreSupprimerAvec grand plaisir! Cette enquête m'a passionnée.
SupprimerExcellent week-end à vous.
intéressante l'idée que la patrie n'est pas la terre d'où l'on vient mais la terre promise où l'on va.
RépondreSupprimerMerci Colo, je t'embrasse.
De nombreuses pistes de réflexion dans ses mots, oui.
SupprimerExcellent week-end Sable, je t'embrasse.
merci pour le film que je ne connais pas. Je le regarderai dès que je peux..
RépondreSupprimerTu me diras après?
SupprimerOUF !J'y suis arrivée, par "Google chrome", merci. Pour tomber sur un billet fort intéressant et un film qui me tente hyper fort ; les premières images dans l'église avec le lavement des pieds de l'adolescent (et ce baiser du curé, hum, si délicat) pour remonter à ce doux visage féminin, tout intimidé par ce regard qui promet... toute une ambiance !! Dès que j'ai le temps ce wk, je poursuivrai, merci Colo.
RépondreSupprimerOuf et re-ouf! je ne savais plus quels conseils te donner...Des scènes fortes d'un film qui ne l'est pas moins...bon visionnage. Un beso.
SupprimerBon, ça y est mais bon faut revoir tous les paramétrages, et puis j'ai pas trop envie de prendre un compte Google...même si en chrome, grrrrr je verrai cela ce soir ou ce week-end chez moi. Besitos, allez je vais m'y mettre aux petits bisous espagnols ;)
RépondreSupprimerJ'ai trouvé une combine, pour le PC d'ici, et je verrai pour la Pomme de ma maison. Ah, ça va mieux, je vais pouvoir enfin te lire et te relire. Bonne fin de semaine.
RépondreSupprimerJ'ai installé Firefox sur ma Pomme... Mais comme je n'ai pas le dernier Pommesystème je ne sais si je pourrais l'utiliser à long terme... Bon mais pour l'instant ça marche... A bientôt, j'espère : je croise les doigts... ;)
SupprimerBravo pour ta ténacité LOU!
RépondreSupprimerÀ bientôt donc, merci.
On découvre ça et là des traces de ces femmes audacieuses qui ont voulu rendre le monde des femmes plus juste et sûr. Quel courage en tout cas!
RépondreSupprimerComme tu dis, des traces...elles existent, ont existé partout mais l'histoire ne retient que ce qu'elle veut bien, non?
SupprimerBon week-end (italien? :-))) à toi.
Merci beaucoup pour toutes ces informations....
RépondreSupprimerAvec plaisir, je me suis prise au jeu et voilà...
SupprimerBelle journée.
Le mot "patrie" ne fait pas partie de ceux que je chéris. Mais là, avec ce poème brinquebalant et ce roman feuilleton...
RépondreSupprimerLoin de la patrie à défendre, celle-ci me plaît bien aussi; celle qui sèche les larmes.
SupprimerLa vigne vierge de ma terrasse prend de jolies couleurs orangées, rougeoyantes...
C'est l'automne qui précède le grand noir et blanc.
SupprimerJe te suis avec intérêt.
RépondreSupprimerDu Poème je retiendrai ceci, souvent d'actualité:
RépondreSupprimer"¡La patria es la que tiende la mano al caminante;" et ce qui suit.
Tu as réussi à démêler l'écheveau du sens et je trouve remarquable d'arriver jusqu'au cinéaste.
J'ai aimé suivre le fil de ta réflexion.
Bon dimanche Colo.
Oui, j'ai pensé aux Roms bien sûr, mais aussi à tous ces jeunes obligés de s'expatrier pour trouver un travail...esperando que su tierra de acogida sea amable con ellos.
SupprimerMerci Maïté, de fil en aiguille, je me suis passionnée!
Excellent dimanche.
....y poner un poco de felicidad en la vida.... isaela
RépondreSupprimer..por supuesto!
SupprimerGracias por tu visita Isaela.
Je me demande si l'Uruguay d'aujourd'hui l'accueillerait de cette manière. Du coup, aurait-elle eu ce destin si étonnant et émouvant. On oublie trop souvent que les réfugiés et les expatriés peuvent être un grand plus dans l'histoire des pays qui les accueillent. Très jolie histoire.
RépondreSupprimerUne ouverture des plus enrichissante que l'accueil de gens de l'extérieur, oh oui!
SupprimerPour l'Uruguay, je ne sais, mais de forts liens sont tissés entre l'Espagne et les pays d'Amérique du sud; on peut espérer donc.
Belle semaine Damien.
La patrie, vaste sujet de réflexion et toujours d'actualité.
RépondreSupprimerMerci de me faire connaˆitre cette auteure et revoir ce film de Bunuel.
Belle semaine à toi !
La curiosité fait faire bien des découvertes, cette fois-ci j'ai été comblée.
SupprimerExcellente semaine Enitram, merci de ta visite.
Je viens parfois sur la pointe des pieds.
RépondreSupprimerCe poème tombe à pic! Et je le trouve très beau
aussi dans sa forme.
Sans vouloir être égocentrique,j'ai le sentiment
qu'il dit mes 15 dernières années...
Merci pour ces beaux moments de partage poétique.
J'ai la garantie, en venant sur Espaces instants,
d'y trouver des pépites.
Merci à toi de laisser un si gentil mot.
SupprimerJe me rends compte qu'en réorganisant mes links il y a un temps, le tien a disparu, escamoté. Je vais vite le "remettre à sa place"!
Changer de pays...je connais bien aussi, tu le sais.
À bientôt chez toi!
Ces recherches au départ d'un poème sont passionnantes, merci d'en partager l'intéressant aboutissement.
RépondreSupprimerConfronté à un texte espagnol, je n'hésiterai pas à faire appel à vos compétences évidentes !
Merci pour votre passage sur http://www.chrwery.com/
C'est un plaisir de vous accueillir dans cet espace Christw.
SupprimerN'hésitez pas à faire appel à moi en cas de besoin, bien sûr!
Belle journée à vous, grand soleil ici ce matin.
Je trouve très beau le "Chant des nombreux ports" ; il est dommage que l'œuvre poétique de Mercedes Pinto ne soit pas traduite ; je suis arrivée sur ce site parce que je cherchais des poèmes consacrés au volcan du Teide (écrits de préférence par des Canariens) ; malheureusement son "Brisas del Teide" 'est introuvable en français. Merci à Colo pour cette page.
RépondreSupprimerAvec plaisir Didon71, on ne peut que regretter en effet que ce beau recueil ne soit pas traduit!
RépondreSupprimerMerci de votre visite.