J’ignore ce qui m’a poussée à glisser, au dernier moment, « L’enfant de la haute mer » de Supervielle dans mon sac rouge. Oui, je devais l’avoir lu il y a longtemps, mais aucun souvenir précis ; alors la mer peut-être, mais aussi son poids plume.
Des huit contes, ce sont le premier (qui a donné son titre au recueil publié en 1931) et le dernier, « La piste et la mare » qui m’ont enchantée, pas seulement par leurs histoires, mais plutôt par l’imagination et l’immense originalité dans l’agencement des mots.
Ignoro lo que me empujó a introducir, en el último momento, “La niña de alta mar” de Supervielle en mi bolsa roja. Debía haberlo leído hace mucho tiempo, pero no tenía ningún recuerdo preciso; tal vez el mar, o su peso ligero.
De los ocho cuentos, son el primero (que le dio su título a la recopilación publicado en 1931) y el último, “La pista y la charca” los que me han encantado, no sólo por sus historias, sino más bien por la imaginación y la inmensa originalidad en la disposición de las palabras.
Extrait de « L’enfant de la haute mer ». La fillette a 12 ans.
- Elle n’était pas très jolie à cause de ses dents un peu écartées, de son nez un peu trop retroussé, mais elle avait quelques taches de douceur, je veux dire de rousseur. Et sa petite personne commandée par des yeux gris, modestes mais très lumineux, vous faisait passer dans le corps, jusqu’à l’âme, une grande surprise qui arrivait du fond des temps.
« …vous faisait passer, jusqu’à l’âme, une grande surprise qui arrivait du fond des temps. » Que ne donnerais-je, moi, pour avoir écrit cette phrase ?
Extracto de «La niña de alta mar ». La chica tiene 12 años.
- No era muy guapa por culpa de sus dientes algo separados, de su nariz demasiado respingona, pero tenía algunas pecas muy dulces. Y su personita guiada por unos ojos grises, modestos pero muy luminosos, os hacía pasar por el cuerpo, hasta el alma, una gran sorpresa que llegaba desde tiempos remotos.
“…os hacía pasar por el cuerpo, hasta el alma, una gran sorpresa que llegaba desde tiempos remotos.” ¿Qué no daría yo por haber escrito esa frase?
Trois extraits de « La piste et la mare »
- Florisbela approuva. Le marchand eût voulu faire de même tout de suite, mais n’entendant pas bien l’espagnol, il ne comprit le sens de cette phrase qu’au bout de quelques secondes après avoir confronté secrètement les mots dans le fond de son oreille.
- La viande cuite, le fermier et les siens s’assirent à table, et dans un coin, le Turc aux pieds propres, osseux et tristes. (Quand le visage est obligé de sourire pour des besoins professionnels, il faut bien que notre humaine tristesse se réfugie quelque part.)
- Le Turc commençait à sentir sa fatigue. Une pensée, flèche perdue, par qui lancée ?, lui traversa l’esprit.
Tres extractos de « La pista y el charco »
- Florisbela asintió. Al mercante le hubiera gustado hacer lo mismo enseguida, pero al no entender bien el español, sólo comprendió el sentido de esa frase unos segundos después de haber secretamente confrontado las palabras en el fondo de su oído.
- Una vez la carne hecha, el granjero y los suyos se sentaron en la mesa, y en un rincón, el Turco de los pies limpios, huesudos y tristes. (Cuando la cara está obligada a sonreír por motivos profesionales, nuestra humana tristeza necesita refugiarse en alguna parte.)
- El Turco empezó a sentir su fatiga. Un pensamiento, una flecha perdida, ¿por quién lanzada?, le cruzó la mente.
Traducciones: Colo
Fotos de Mallorca, clic para agrandar
2) Colo
« L’ESCALE PORTUGAISE
RépondreSupprimerL’escale fait sécher ses blancheurs aux terrasses
Où le vent s’évertue,
Les maisons roses au soleil qui les enlace
Sentent l’algue et la rue;
Des femmes jaunes vont, des paniers de poissons
Irisés sur la tête,
Et l’on voit se mêler aux jeux de la saison
La sous-marine fête;
Le feuillage strident a débordé le vert
sous la crue de lumière;
Les roses prisonnières
Ont fait irruption par les grilles de fer;
Le plaisir matinal des boutiques ouvertes
Au maritime été
Et des fenêtres vertes
Se livrant à l’azur, les volets écartés,
S’écoule vers la Place où stagnent les passants
Jusqu’à ce que soit ronde
L’ombre des orangers qui simule un cadran
Où le doux midi grogne.
Alors, inattendus, les corridors obscurs
Enfantent les clartés de mille jeunes filles
Et les désirs neufs pillent
L'âme comme un fruit mûr,
La ville en sa peinture a des airs de marché,
L’œil élimine l’ombre,
Retenant les couleurs et leur goût de péché
Qui, tel un sein, se bombe;
J’attire à moi l’escale entière, je la hume
En son sel et sa chair,
Comme un tunnel absorbe un brusque train qui fume,
Toutes vitres en flamme et fauve le panache
Vivace, sans broncher. »
JULES SUPERVIELLE
Buen fin de verano, Colo.
Alors que vous étiez hospitalisée, Super venait jouer de la vielle sous votre balcon...
RépondreSupprimeroh ! voilà un poète qui a toute sa place dans ton sac à malice c'est certain.... je l'aime beaucoup... il faudra que je le relise.
RépondreSupprimerTiens, j'ai vu qu'il avait aussi écrit pour le théâtre (merci Wikipédia) et merci à toi aussi Colo, de me rafraîchir la mémoire :)
bonne journée
On aurait dû les écrire toutes ces belles phrases qui nous enchantent. Elle tourbillonnaient autour de nous telles des libellules invisibles. Seuls les grands talent les captent. C'est pour cela qu'on les aime. Marci colo pour celle de la fillette a douze ans.
RépondreSupprimerces tâches de douceur sont divines !
RépondreSupprimer**Hélder, sensualité en couleurs, que c'est beau, merci et belle journée.
RépondreSupprimer**JEA, en vous offrant ces douceurs maritimes.
**K.gibi, le théâtre, oui, je ne connais que sa pièce "Robinson" qui vaut la peine d'y jeter un long coup d’œil. Un beso.
**Damien, à défaut d'avoir son talent, profitons du sien...Belle journée à toi.
RépondreSupprimer**Lautreje, j'ai aimé comme toi et je me suis dit que j'emploierais cette jolie expression (bon, dans la plupart des cas:-))
Un poète dont l'imagination prend la mer
RépondreSupprimerj'aime particulièrement "le cavalier qui passe"
Ne touchez pas l'épaule du cavalier qui passe,
il se retournerait et ce serait la nuit,
une nuit sans étoiles, sans courbes ni nuages.
**Dominique, oui, le cavalier est superbe, l'attente du second cavalier...
RépondreSupprimerEt la mer, toujours la mer:
Quand nul ne la regarde
La mer n’est plus la mer.
Elle est ce que nous sommes
Lorsque nul ne nous voit...(La mer secrète).
Merci, je t'embrasse.
être cette surprise qui arriverait du fond des temps !!!
RépondreSupprimerBonjour Colo,
RépondreSupprimerJe te remercie de ta visite et de ton gentil commentaire. Cela me permet de découvrir ton blog, je reviendrai pour faire plus ample connaissance.
Je te souhaite un agréable week-end
**Sable, et une excellente en plus!
RépondreSupprimerChère COlo,
RépondreSupprimerquelle joie de te lire à nouveau. Les images que tu nous offres pour ton retour sont... belles? Percutantes? Vraies, parce qu'elles savent traduire l'indiscible sensation fugace ou fortuite ou les deux à la fois.
mil besos
Et pendant ce temps Cora mourait.
RépondreSupprimerL'occasion de fredonner, sans tristesse avec Arnaud Stalgie, les belles paroles:
"Trois petites notes de musique
Qui vous font la nique
Du fond des souvenirs
Lèvent un cruel rideau de scène
Sur mille et une peines
Qui n'veulent pas mourir"
Des phrases comme des surprises qui arrivent du fond des temps et nous touchent à l'âme... mais c'est toi qui les as trouvées et qui nous en fais la surprise, merci.
RépondreSupprimer**Delphine, ce chemin de plante qu'on ne sait d'où il vient ni où il va me plaît beaucoup...quant à l'autre, les couleurs du crépuscule, oui, oui! Gracias amiga, un beso fuerte.
RépondreSupprimer**Alex, oui, la dame blanche...adios mujer.
Ici dans "Que sont mes amis devenus" de Rutebeuf...superbe.
http://www.ina.fr/divertissement/chansons/video/I07085681/cora-vaucaire-que-sont-mes-amis-devenus.fr.html
**MH, ce conte entier est une perle, je me suis délectée à chaque page...il est très visuel aussi: une rue flottante, une vague "qui ramena l'enfant chez elle dans un immense murmure de larmes et d'excuses". Tu la vois?
Besos.
Ah oui quel virtuose des mots, ce Supervielle ! Des mots agencés comme les vagues de la mer : dans un ordre sans arrêt muable et constamment nouveau. Unis à perte de vue mais sans se répèter. Contente que tu es accosté pour nous faire partager ça ! :)
RépondreSupprimerEt bravo pour la photo des fleurs grimpantes en forme de botte italienne : elle est très réussie.
J'ai lu il ya un siècle les contes de Supervielle (pour une fois que je connais) et tu me donnes envie de l'emprunter à la biblio vois tu !
RépondreSupprimer**Euterpe, tu en parles fort bien de ses mots!
RépondreSupprimerJe l'appelais le "serpent de plante" et n'y avais pas vu l'Italie, merci!
**Veb, tu ne seras pas déçue je crois. Il y a un temps que je ne vais pas chez toi mais ce sera vite réparé, j'ai pas trop cuisiné ces temps-ci. A bientôt!
Que c'est beau!!! Je ne connaissais pas du tout! Je vais rechercher!!!
RépondreSupprimerEdmée
Cette chenille verte sur les rochers, j'aime beaucoup cette belle photo !
RépondreSupprimerOui, Supervielle est un magicien des mots : "Les étoiles étourdies encore par la lumière du jour font les aveugles." (La piste et la mare)